Cet article a été précédemment publié sur mon ancien site. Je le remets ici pour ceux qui ne l’auraient pas lu.
lors que j’entame ce nouveau format des « lectures du mois », je ne peux pas m’empêcher de noter que l’une d’elles résonne tristement avec l’actualité du week-end : à l’heure où j’écris ces lignes, la Cour Suprême des Etats-Unis vient de révoquer l’arrêt qui garantissait le droit à l’avortement, et plusieurs états ont interdit cette pratique dans la foulée. Le fait que j’ai lu la suite de la Servante Écarlate ce mois-ci est une coïncidence qui me fait avoir une pensée d’autant plus émue pour toutes les femmes dont on vient ainsi de bafouer l’un des droits fondamentaux essentiels, celui à disposer de leur corps, dans un pays qui se dit garant des libertés. Je ne veux pas que ces articles servent à parler politique, mais je ferais une exception cette fois-ci car il ne s’agit pas de politique mais de droits humains : le combat n’est malheureusement jamais terminé.
Alain Damasio, Les Furtifs
Un monde aseptisé, contrôlé par des multinationales, des créatures indétectables, en évolution perpétuelle, et un père désespéré, à la recherche de sa fille disparue.
Damasio revient avec un format qui n’est pas vraiment une surprise, le même goût pour la langue, des personnages qui ont chacun leur moyen d’expression et des idéaux qu’il met en avant dans chacun de ses romans. Ce roman est loin d’être une claque comme pouvait l’être La Horde du Contrevent, pour autant est-il une déception ?
Les 200 premières pages sont dures, il faut passer outre l’effet « roman de daron » – à savoir l’idée que le personnage principal est un père quarantenaire, divorcé, dont les préoccupations sont donc très loin des miennes et à qui j’ai du mal à m’identifier, mais après cela, l’aventure, le voyage et le dépaysement prennent le dessus, la langue de Damasio toujours aussi belle et travaillée et le monde idéal qu’il dessine en filigrane dans les recoins cachés de sa dystopie résonne, fort de promesses.
Margaret Atwood, Les Testaments
Des années après La Servante Écarlate, Margaret Atwood nous livre enfin la fin de l’histoire de Galaad, et sa chute tant attendue, sous la forme d’un roman à plusieurs voix, un témoignage déposé par les femmes ayant contribué à cette chute.
Qu’il est bon de voir enfin une dystopie s’écrouler sous nos yeux ! Sans égaler, à mes yeux, le frisson qu’avait pu représenter La Servante Écarlate, car malheureusement en termes d’émotion, l’horreur et la tristesse marquent plus que l’espoir, Les Testaments représentent ceci, un espoir, celui de voir la corruption se détruire de l’intérieur et les manipulations devenir un jour visibles grâce au courage d’une poignée d’individus.
Alors même si ce roman n’a pas atteint l’état de grâce qui nous amène à dire « j’arrête de respirer jusqu’à ce que j’ai atteint la dernière page et appris ce qu’il advient des personnages », ce roman était nécessaire, surtout aujourd’hui.
Isaac Asimov, Fondation et Seconde Fondation
Je termine ces lectures du mois avec l’œuvre de l’un des écrivains fondateurs de la science-fiction moderne, avec le justement nommé Cycle de Fondation. Il n’aura pas échappé à ceux qui connaissent ce cycle que le tome 2 ne se trouve pas dans ces deux lectures… ça m’apprendra à passer rapidement à la bibliothèque pour emprunter des livres et à prendre un livre dont le titre commence par « seconde » en croyant qu’il s’agit du deuxième tome… Pour ma défense, le véritable second tome ne s’y trouvait pas. J’ai donc dérogé à ma règle sacro-sainte de toujours tout lire dans l’ordre, sans quoi je me serais retrouvée sans aucune lecture à me mettre sous la dent, et j’ai essayé de combler les trous avec mon imagination. Le deuxième devrait donc se trouver dans un prochain « lectures du mois ».
Asimov fait ici la part belle à une science trop souvent mise en retrait, la psychologie. Une psychologie qui permet ici, de prédire l’avenir en s’appuyant sur les statistiques et les lois des grands nombres, et qui permet à Hari Seldon, psychohistorien reconnu, de prédire la fin d’un premier empire galactique et de mettre au point son Plan pour l’établissement d’un second empire, passé une période de ténèbres que sa science permet de réduire de 30 000 à 1000 ans. Deux groupes de Fondateurs sont donc envoyés chacun dans un coin de l’univers pour mettre en œuvre ce Plan.
Il faut le reconnaître, Asimov a un don pour gérer les difficultés d’écriture que peut générer un cycle se déroulant à la fois sur une longue distance et une très longue durée sans que jamais on ne se sente perdu. L’écriture reste très accessible, voire simple, mais toujours très agréable à lire.
J’aurais un peu du mal à m’exprimer sur l’histoire vu qu’il m’en manque une bonne partie, mais l’idée de base est très bonne et sa réalisation faite avec brio, même si l’oeuvre souffre tout de même de la distance entre la technologie imaginée comme futuriste à son époque et celle qui a émergé depuis, ainsi que des changements de mentalités et de mœurs qu’Asimov ne pouvait pas imaginer.