Critique de Time Out – film – 2011

Qu’est-ce qu’un film de science-fiction ? Vaste question. En quoi doit-il se démarquer d’un autre type de film pour mériter cette appellation ? Les films de science-fiction, comme beaucoup d’autres types de films, d’ailleurs, croisent souvent les genres, notamment avec les films d’action, mais où se trouve la frontière pour qu’en sortant d’une salle (ou de son canapé) on puisse dire « Je suis allée voir un film de SF » plutôt que « Je suis allée voir un film d’action » ? Dans la quantité d’éléments futuristes présents ? Dans la réflexion sur la société que le film intègre ? Ou bien dans d’autres éléments ? Proposez-moi votre opinion en commentaire, quant à moi je m’en vais vous parler de Time out, film réalisé en 2011 par Andrew Niccol, qui m’a forcée à me poser cette question, à laquelle je n’ai toujours pas de réponse.

Image du film "Time out" critiqué dans ce Ah l'écran

Time out se passe dans une réalité alternative – ou un futur proche – où le temps a remplacé l’argent : les gens s’arrêtent de vieillir à 25 ans mais affichent en permanence un compteur de temps sur leur poignet qui leur sert à payer tous les services. Si leur compteur atteint zéro, ils meurent. La société est séparée entre les très pauvres, qui vivent – littéralement – au jour le jour, et les très riches, qui disposent de plusieurs centaines, voire milliers d’années, à dépenser, et donc d’une immortalité de fait.

Dystopie ou film d’action ?

Là se pose mon premier problème, pour séparer le film d’action de la science-fiction : le pitch appelle certes à un futur dystopique, mais remplacer l’argent par du temps ne signifie pas, tel qu’il est présenté par le film, une réflexion réellement différente d’un monde où l’argent existe. Je m’explique : nous avons dans ce film, comme dans la réalité, des très pauvres et des très riches. Des très pauvres qui meurent parce qu’ils n’ont pas de quoi acheter de quoi manger, et des très riches qui peuvent dépenser autant qu’ils le souhaitent pour s’offrir tout ce qu’ils souhaitent. Les prix et salaires sont comptés en temps plutôt qu’en argent, mais le vocabulaire utilisé reste celui de l’argent : on parle d’augmentation, de payer, de salaires, etc. Le fait que l’immortalité s’invite dans l’équation et que les gens s’arrêtent de vieillir à 25 ans aurait pu faire de ce film une réflexion intéressante si elle avait été poussée, mais ce sujet n’est qu’effleuré, ce n’est pas le coeur du scénario qui est davantage une vision futuriste de Robin des Bois et une occasion de faire apparaître uniquement de jeunes gens à l’écran. Je n’ai absolument rien contre Robin des Bois, au contraire, mais je reste sur mes positions : remplacer un concept par un autre, si les résultats sont à peu près similaires, ne suffit pas, je pense. Il aurait fallu pousser la réflexion plus loin. Alors on a quelques pistes, évoquées presque en passant : le fait que certains « immortels » préfèrent se suicider au bout d’un certain temps de vie parce que ça leur semble trop long, la confusion entre générations, le problème de la quantité de population sur terre (qui est, dans le film, résolue en augmentant les prix dans les ghettos pour faire mourir les pauvres).. Mais ce n’est pas le coeur du film, qui est plutôt axé sur un scénario d’action à la Robin des Bois ou Bonnie & Clyde, et toutes ces réflexions seront évacuées vite fait par le besoin du scénario d’aller vite (paradoxal, n’est-ce-pas ?)

Tension constante

Le temps – et le manque de temps – sont en effet surtout un prétexte pour rajouter de la tension narrative au scénario. J’aurais dû compter le nombre de fois où les compteurs des héros ou de certains personnages secondaires arrivent proche de zéro… A ce niveau-là, ça relève presque du cliché, de la facilité d’écriture pour ajouter du suspens. Sans compter que les clichés sont nombreux dans ce film : on a celle qui meurt dans les bras du héros alors que son compteur arrive à zéro pile au moment où ils se rejoignent alors qu’ils courent depuis une heure – comme c’est pratique – la caméra placée au bon endroit comme par hasard, le bon flic qui pourrait être sympa mais qui a décidé de faire son devoir aveuglément, sans se poser de questions et sans, à priori, vouloir comprendre pourquoi on lui demande de le faire (ça fait un méchant peu crédible et pour lequel on éprouve surtout de la pitié d’être aussi con), le héros qui joue tout son temps au poker face à un immortel et à qui il ne reste que quelques secondes quand les jeux sont dévoilés, devinez s’il perd ou gagne…

Le jeu d’acteur, quant à lui, à moins que ce ne soit le doublage français qui veuille ça, manque carrément de crédibilité et je me suis retrouvée à pouffer plusieurs fois face à une phrase lancée sans conviction par un acteur qui aurait peut-être préféré jouer dans un autre film.

Alors, à me lire, on pourrait croire que j’ai exécré Time Out. Ce n’est pas le cas : j’ai passé un bon moment, j’ai bien rigolé et je n’ai pas décroché de mon écran (connaissant ma préférence pour les séries et ma difficulté à passer plus d’une heure devant la télé sans avoir envie de faire autre chose, c’est un exploit). Mais je ressors néanmoins déçue que le film soit passé à côté de certains enjeux, en proposant, certes, une vision de la société qui fait clairement distinction entre pauvres et riches, mais c’est déjà le cas ici et maintenant, qui en profite pour nous faire miroiter un luxe auquel peu d’entre nous ont accès voire personne – plans sur des soirées de riches, des belles voitures, des casinos, des jolies robes et costumes, de beaux bâtiments etc. – ce qui fait toujours vendre, et qui esquive en grande partie les questions qui pourraient avoir un réel intérêt sur l’impact d’une possible immortalité. Donc j’en ressors avec l’impression d’avoir vu une sorte de James Bond, un film d’action donc, sympathique, fait pour procurer des sensations au spectateur, mais où les questions importantes passent à l’arrière-plan derrière la nécessité de l’entertainment.

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