Cet article sur le plan lorsqu’on écrit un roman fait suite à un premier article sur l’idée que vous pouvez retrouver ici. Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous conseille de commencer par le début – mais vous faites bien ce que vous voulez, et si vous avez déjà une idée bien arrêtée pour votre roman, peut-être que ça vous convient de commencer par le plan. Dans tous les cas, la série d’articles « Ecrire un roman » n’en est qu’à ses tous débuts et continuera à raison d’un article par mois (chaque 3e samedi du mois) pour couvrir tous les aspects essentiels de l’écriture du roman. Sans plus de bavardages, passons-donc à notre plan.

Avoir un plan pour écrire, est-ce que c’est obligatoire ?

Faisons un pacte ici et maintenant : considérez que rien de ce que je vous dis n’est obligatoire. Nous ne sommes pas à l’école et de toute façon, si les professeurs sont incapables de vous imposer de préparer vos dissertations sur un papier de brouillon jaune en détachant clairement toutes les idées et les exemples qui vont avec, je ne vais certainement pas essayer de vous forcer à le faire aussi. L’écriture est quelque chose d’intime, l’imagination fonctionne différemment d’un cerveau à un autre et il y a autant de façon d’écrire, ou de se préparer à écrire, que d’écrivains.

Image d'illustration pour l'article sur le plan de cette série Ecrire un roman

D’ailleurs, en écriture, on a tendance à séparer les façons de procéder en deux grands groupes que l’on appelle les architectes et les jardiniers. Cela n’a rien à voir avec de la composition florale mais avec le fonctionnement qui va le mieux correspondre à notre manière d’écrire. Pour caricaturer largement, les architectes vont avoir besoin de placer des jalons plus ou moins précis, d’avoir un plan détaillant la structure de leur écrit, le cheminement de leurs personnages et la fin de l’histoire, tandis que les jardiniers seront plutôt à écrire au fil de la plume, à se laisser porter par les idées émergeant de ce qu’ils ont déjà commencé à écrire et donc, ne feront, à priori, pas de plan. Mais c’est une caricature très poussée et ce ne sont pas des cases à cocher, plutôt une échelle : en général on n’est pas l’un ou l’autre, on est l’un et l’autre, à différents degrés, selon les moments de notre vie, voir selon le texte qu’on est en train d’écrire. Pour prendre mon exemple, en ce qui me concerne, je suis plutôt architecte : j’ai besoin d’avoir un plan avec quelques étapes clés et de connaître la fin de mon histoire, ou du moins vers quel but elle tend, mais au début de mon travail d’écriture, j’étais totalement jardinière : j’improvisais absolument tout, avant de me rendre compte que finalement je m’y retrouvais mieux avec une trame de base, même si je reste libre d’improviser selon les idées qui émergent pendant l’écriture.

Pour savoir ce qui vous convient le mieux, si vous aurez besoin ou non d’un plan pour écrire votre roman, rien de tel que la pratique : essayez l’une ou l’autre des méthodes. Si vous commencez à écrire un plan et que vous vous ennuyez profondément, avant de vous couper toute envie d’écrire, lâchez ce plan et essayez d’improviser. Si au contraire vous vous lancez directement sur la page blanche et que vous ne parvenez pas à pondre une seule ligne, ou si vous sentez que vous vous éparpillez dans tous les sens, essayez de poser une structure. Avec l’habitude, vous sentirez quand vous aurez besoin d’être libre et quand vous aurez besoin d’une trame, vous saurez même si certains jalons vous sont indispensables et lesquels (par exemple : les personnages, le début, la fin, et quelques étapes-clés).

Sachez que non seulement le plan n’est pas obligatoire, mais même si vous l’avez écrit, qu’il n’est pas non plus obligatoire de vous y tenir, que vous pouvez l’abandonner en cours de route, voir commencer à en faire un au beau milieu de votre roman, pour résoudre un problème de page blanche, établir un plan pour un chapitre ou une scène seulement (une technique que j’utilise énormément)… En clair : tout est possible.

D’accord, mais il faut bien connaître la fin de l’histoire au moins, non ?

Au risque de me répéter, rien n’est obligatoire, ça dépend de la manière que vous avez de fonctionner. En ce qui me concerne, je préfère avoir au minimum une idée de ce que va être ma fin et ce pour deux raisons : d’abord, si je connais ma fin, même si je m’éparpille un peu en chemin, je sais vers où doivent tendre mes idées, vers quelle finalité, et ça me permet d’avoir un tout cohérent sur le long terme. Ensuite, en connaissant la fin, on peut semer petit à petit des indices sur la résolution, faire évoluer les personnages et l’univers dans le sens qui sera le leur à la fin de l’histoire, ce qui permet que la résolution n’ait pas l’air de sortir de nulle part. Cela dit, cette étape de semer les indices peut-être faite plus tard, après le premier jet ; et j’ai moi-même tendance à le faire plutôt lors de l’étape de la réécriture, j’en parlerai donc plus longuement dans l’article qui y sera consacré.

Connaître la fin permet aussi de savoir quand et comment vont apparaître les derniers éléments qui permettront de résoudre les intrigues – et accessoirement de se rendre compte du moment où vous approchez de la fin de votre premier jet – et aussi d’éviter le piège d’une fin fade, sortie de nulle part, présente parce qu’il faut bien s’arrêter une fois les cinq cent ou six cent pages atteintes, sans que rien ne soit résolu. En clair : ça simplifiera énormément le travail de relecture si vous avez déjà une idée de l’endroit où votre histoire va vous mener.

Et si je fais un plan, je mets quoi dedans ?

Cette partie s’adressera plus probablement aux plus architectes d’entre nous, mais gardez à l’esprit que vous mettez bien ce que vous voulez dans votre plan et que vous le découpez comme vous voulez : par chapitres, par scènes, par étapes-clés de l’histoire (par exemple situation initiale, élément perturbateur, déroulement, climax, conclusion, retour à la normale, si vous voulez). En général, dans mon plan, je note en premier lieu les événements-clé de l’histoire, ceux qui vont avoir le plus d’impact, et je note aussi ce que les personnages seront/feront/ressentiront à la suite de ce moment. Ce qui implique que j’aie déjà une idée au minimum vague de qui seront mes personnages et de leur manière de penser et d’agir. Ensuite, sur cette trame très générale, je vais broder un peu et noter le parcours qui conduira de l’événement A à l’événement B – là encore, je caricature mais c’est l’idée – et je vais ajouter les situations de tension qui conduiront à faire émerger des intrigues secondaires, soit liées directement aux personnages, soit liées au monde qui les entoure. Evidemment, dans ce plan figureront aussi les événements conduisant à la rencontre des différents personnages entre eux.

L’étape de création des personnages fait pour moi partie du plan et se fait en même temps que celle du scénario, à moins que les personnages ne fassent déjà partie de l’idée de base. Je ne suis pas sûre de faire un article uniquement dédié à la création des personnages – à moins qu’il n’y ait réclamation dans les commentaires – mais je pense que pour être intéressant, un personnage important de l’histoire doit à la fois avoir un impact sur celle-ci et être impacté par celle-ci, tout en n’ayant pas l’air d’exister uniquement pour cette histoire. Un personnage crédible aura un passé, existant avant même les premières pages où il apparaît, et un futur, qui le suivra au-delà de la fin du roman : même si ce passé et ce futur ne sont pas relatés dans l’histoire, ils pourront expliquer et justifier son caractère et son comportement, sa manière de parler ou de penser. Par exemple si vous avez un personnage qui a grandi dans la misère, il est peu probable qu’il se sente parfaitement à l’aise à la cour royale et qu’il ait les codes pour l’appréhender ; un citadin aura sûrement du mal à allumer un feu de camp dans la forêt, etc. Dans tous les cas, si vous pouvez brosser, même à gros traits, vos personnages avant de passer au premier jet, vous aurez déjà une idée de leur façon de réagir quand vous les confronterez à votre histoire. Mais rien n’est inscrit dans le marbre et l’histoire peut les faire évoluer d’une façon que l’on n’attendait pas. C’est très bien ainsi. Le premier jet permettra de poser les jalons de leur évolution, et la réécriture permettra aussi de retravailler les personnages et leurs réactions pour qu’elles soient les plus cohérentes possibles, selon ce qu’on aura appris d’eux lors du premier jet. N’oublions pas que les personnages sont les éléments les plus importants de notre histoire – sauf pour quelques mouvements littéraires totalement hors-sujets ici. Parce qu’un roman, au final, c’est juste « l’histoire de quelqu’un à qui il arrive quelque chose. »

ressources pour aller plus loin

Comme pour le premier article, je vous recommande un épisode du podcast Procrastination qui traite de la différence d’approche entre architectes et jardiniers ou, pour employer les mots plus savants utilisés dans le titre de cet épisode, structurels et scripturaux.

Je vous propose aussi de découvrir le point de vue apporté par Amélie Nothomb – interviewée par la chaîne Youtube Les Artisans de la fiction, que je vous conseille aussi – et qui a une position assez radicale sur la préparation d’un roman, comme vous pourrez le voir, presque à l’opposé de ce dont je parle ici.

J’espère que ce deuxième article de la série écrire un roman vous aura apporté quelques jalons à apporter à votre réflexion personnelle, ne manquez pas le prochain qui portera sur le – ô combien redouté – premier jet. Si tout va bien (et tout ira bien !) il sortira le samedi 17 juin en cours de matinée.

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