Ce mois-ci, j’aurais difficilement pu choisir des lectures plus différentes : entre de la fantasy pure, de la science-fiction poétique et diplomatique, du roman d’horreur et de la quasi-hard-SF à la sauce Ocean’s Eleven, il est impossible de trouver un dénominateur commun entre ces quatre livres, que j’ai pourtant finalement tous adorés. Même si, pour certains, ça a été plus compliqué de s’y mettre que pour d’autres. Finalement, tous mettent en avant la diversité des littératures de l’imaginaire et le formidable fourmillement d’idées qui me fait aimer ces genres plus que tout autre.

Adrien Tomas, Vaisseau d’Arcane, tome 2 : L’Empire des Abysses

Couverture de Vaisseau d'arcane, tome 2 "L'empire des Abysses" par Adrien Tomas, aux éditions Mnemos

J’avais parlé du tome 1 de Vaisseau d’Arcane dans mes lectures d’Août, il est à présent temps d’aborder la suite avec ce tome 2. Ce qui frappe avant tout, c’est que cette suite est bien plus aboutie, tant au niveau de l’écriture que des personnages ou du scénario, qui prend véritablement son envol dans ce tome-ci alors qu’il apparaissait parfois comme un peu brouillon dans le tome 1. Les intrigues nouées au premier tome y trouvent leur résolution et la multiplication des points de vue – le premier tome était déjà un roman choral, mais pas à ce point – ne gêne pas la compréhension et au contraire apporte différents points de vue qui sont les bienvenus.

Les motivations des personnages sont également mieux explorées dans ce tome et c’est un plaisir de se rendre compte qu’ils ont tous une complexité suffisante pour éviter de tomber dans le cliché du héros ou du méchant. On regrettera quand même – mais c’est une critique à laquelle vous allez être habitués vu que c’est celle que je fais le plus souvent – un univers qui n’exploite pas la pleine mesure de ses capacités, bien qu’il prenne tout de même un peu d’ampleur. C’est donc sur une note positive que je conclue la lecture de ce cycle, et avec une agréable découverte qui me poussera sans doute à lire de nouveau des romans d’Adrien Tomas dans le futur.

arkady martine, Teixcalaan, tome 1 : Un souvenir nommé empire

Couverture de "Un souvenir nommé Empire", Teixcalaan, tome 1, par Arkady Martine, aux éditions J'ai lu

On enchaîne les belles découvertes avec celle du tome 1 de Teixcalaan, en passant cette fois-ci sur une science fiction qui, ma foi, une fois n’est pas coutume, crée un univers dépaysant et crédible, parfaitement exploité dans le cadre de la Cité qui sera le décor de ce tome et qui fait presque tout le sel de cette lecture ! Cela compense largement le plus gros défaut de cette œuvre, à savoir une écriture qui peut par moments manquer de clarté. Ce roman réussit le tour de force de nous rendre accessible et compréhensible une culture extrêmement complexe, que l’on pourrait qualifier d’aztèque futuriste. L’autrice se serait apparemment inspirée de sa thèse sur des lettres de diplomates byzantins pour écrire.

On pourra néanmoins reprocher à ce scénario qui a pour personnage principal une ambassadrice le fait que la diplomatie ait un rôle mineur dans l’intrigue, notre héroïne se retrouvant à faire des coups en douce et à jouer les espionnes amatrices. Cela aurait pu ne pas poser de problèmes, mais ce point original du personnage – un statut diplomatique important – passe au second plan et on finit par se demander si elle avait bien besoin d’être ambassadrice et si n’importe quel quidam n’aurait pas pu faire l’affaire. En revanche, si beaucoup de critiques ont été faite sur le manque de profondeur de l’Empire qui serait insuffisamment menaçant, je dois dire que je ne suis pas d’accord avec ces critiques. Ce qui fait tout l’intérêt et la menace de l’Empire, dans cet ouvrage, c’est qu’il « dévore » les autres cultures de façon insidieuse, en imposant sa suprématie et son monopole culturel sans avoir l’air d’y toucher, dévalorisant de ce fait tous les petits acteurs de ce monde galactique qui vivent le fait de ne pas être citoyens de l’Empire comme une humiliation et une condamnation à l’état de barbares incivilisés. Et cette thématique du grignotage des cultures me parait bien plus intéressante que les sempiternelles histoires de bagarres. De même, le fait que l’intrigue se passe au coeur de la Cité et ne prenne que peu en compte les autres éléments de cet Empire immense est pour moi un soulagement face aux Space-Operas habituels, où l’on se perd entre des planètes que l’on n’a que trois pages pour découvrir avant de passer à la suite et à l’action. Je pense – mais là encore j’ai déjà exprimé mon point de vue sur la question – que l’on n’a pas besoin d’un nouveau Star Wars, et Teixcalaan évite fort heureusement ce piège.

Stephen King, Salem

Couverture de "Salem" par Stephen King, aux éditions Pocket

J’avoue avec un peu de honte que, si j’ai dévoré Under the Dome, lu la Tour sombre avec plaisir (même si je ne l’ai pas encore terminée) et regardé un certain nombre d’adaptation des romans de Stephen King au cinéma ou en série, Salem est le premier roman de King que je lis qui soit rattaché à sa spécialité : l’horreur. La cause la plus évidente est, évidemment, que mon imagination fertile ne supporte pas de lire de l’horreur – pas plus que d’en voir, mais les livres sont encore pire parce qu’on ne les termine pas en deux heures et que le cerveau se fait un plaisir de visualiser ce qui est décrit et qui aurait peut-être été plus atténué dans un film. C’est donc avec un maximum d’appréhensions que j’ai entamé la lecture de Salem, ne sachant absolument pas si j’allais être capable de tenir la lecture sur la longueur.

Et finalement, malgré deux nuits particulièrement difficiles où le sommeil a manqué me fuir, j’ai réussi à le terminer sans trop paniquer (hourra pour moi !). Je peux à présent dire que je comprends enfin pourquoi Stephen King est considéré comme un maître de l’horreur. Il parvient à installer une ambiance insidieuse dès les premières pages, mais ce climat ne fera qu’aller en empirant, à un rythme mesuré et parfaitement contrôlé qui fait que nous, pauvres lecteurs, ne pouvons que nous accrocher en espérant que l’horreur n’aille pas en s’agrandissant – ce qu’elle fait indépendamment de nos souhaits. Le pire de cette lecture est certainement le passage entre le début de l’apparition des phénomènes surnaturels à la révélation de leur origine. A partir de là, la lecture se fait un peu plus aisée puisqu’on peut combattre nos peurs en même temps que les personnages se battent contre ces phénomènes et on sort de l’horreur.

Derek Künksten, Le magicien quantique

Couverture de "Le magicien quantique", par Derek Künksten aux éditions Albin Michel

Je vous résume de façon très visuelle les 50 premières pages de ma lecture de ce roman : froncement de sourcils, regard dans le vague, relecture du même paragraphe quinze fois, raclement de gorge, haussement de sourcils, profond soupir, fermeture du livre, réouverture du livre. Ce n’est pas qu’il soit mal écrit, non. Mais pour qui n’a pas l’esprit d’un scientifique, ces cinquante premières pages sont un tel calvaire que j’ai envisagé à plusieurs reprises d’abandonner la lecture du livre tellement j’avais l’impression de lire un cours de physique. Je ne suis pas portée sur la hard-SF : j’aime que les univers soient crédibles, mais je serais l’une des dernières à m’en rendre compte si le système de propulsion d’un vaisseau ne peut pas fonctionner avec les lois de la physique actuelle.

Pourtant, je suis contente d’avoir réussi à m’accrocher, car, passé les considérations théoriques, applications de la physique quantique au déplacement des vaisseaux et calculs en tous genres, on découvre une histoire prenante à la sauce Ocean’s Eleven transposé dans l’espace (il y a même la phase de recrutement !), des personnages crédibles et cohérents, une réflexion profonde sur l’évolution de l’humanité et une dose d’action mesurée, mais constante, entrecoupée de passages plus réflexifs. Si j’avais finalement posé ce livre, écœurée par le début de migraine qui me guettait, je serais passée à côté d’un agréable moment de lecture. Mais il faut quand même arriver à s’accrocher le temps que la physique passe au second plan et se retrouve diluée dans le reste de l’histoire, et donc digeste. La conclusion de cette lecture est donc : par pitié, ne mettez pas tous vos calculs et explications dans vos introductions !

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