Ce mois-ci sera le mois des tomes 2 et des fins de cycles. Je ne l’ai pas fait exprès, mais sur les 5 livres que j’ai décidé de lire, 3 sont les derniers des cycles entamés en avril et mai, ce qui fait beaucoup de personnages et d’univers à saluer une dernière fois avant de leur dire adieu (jusqu’à la relecture). Je ne l’ai pas fait exprès non plus mais, pour une raison étrange, tous ces tomes 2 m’ont paru nettement meilleurs que le tome précédent de leur cycle, à chaque fois. Est-ce un biais psychologique, parce que j’ai eu le temps de m’habituer à cet univers ? En tout cas, ce mois-ci aura été très productif et satisfaisant au niveau lectures et chacun des romans que vous voyez dans ces lectures du mois mérite vraiment d’être lu.
ESTELLE FAYE, LE CYCLE DE BOHEN, TOME 2 : LES RÉVOLTÉS DE BOHEN
Vous vous souvenez de mes lectures du mois d’avril, quand j’avais parlé du premier tome de ce cycle, Les seigneurs de Bohen en disant quelque chose comme « gnagnagna, je veux en savoir plus sur l’univers » (quelle geignarde…) ? Eh bien voilà, le seul problème entre gros guillemets que je trouvais à ce cycle est entièrement résolu dans ce tome-ci. Bohen se laisse découvrir dans son entier, en profondeur, avec toutes ses cités, ses peuples infiniment différents les uns des autres et pourtant si proches, ses paysages magnifiques…
Evidemment, ce tome-ci est du coup un peu long : il prend le temps d’installer de nombreuses intrigues, de nouveaux personnages toujours plus profonds et complexes, de nous laisser nous attacher à eux et, bon bref ça prend 900 pages de résoudre tout ça…. Mais ça vaut le coup du début à la fin ! C’est ça que je veux dans un roman de fantasy, c’est avoir le temps de découvrir tout un univers et ceux qui le peuplent, avoir le temps de trembler pour eux, d’aimer avec eux ! Ce livre est une immersion totale grâce à une écriture exceptionnelle, très visuelle, et à la force, à l’énergie qui l’anime du début à la fin. Le seul reproche que j’aurais à faire à ce livre, mais c’est commun à ceux qui parlent de tyrannie et de révolte, c’est plutôt un espoir : j’aimerais qu’il n’y ait pas besoin d’assoir sur le trône un personnage prêt à sacrifier toute sa population, à la livrer à la maladie et à la mort sans aucun état d’âme pour que les opprimés ressentent le besoin de se révolter.
En tout cas ce livre est un immense coup de coeur qui rejoint illico les rangs de mes lectures les plus marquantes de cette année et il en faudra beaucoup, beaucoup pour arriver à son niveau ! Quand à Estelle Faye, je vais de ce pas me dégoter tout le reste de sa bibliographie…
STEPHEN KING, ELEVATION
Après les 900 et quelques pages de Bohen, j’avais besoin d’un roman un peu plus court, j’ai donc enchaîné avec les 140 pages d’Elevation. Comme c’est du Stephen King, je ne m’attendais pas à ce que ce soit léger (clin d’œil au sujet du roman), mais je me demandais bien où il pouvait aller avec son personnage qui perd 500 grammes par jour sans faire de régime ni que ça se voie, ni que ça semble vouloir s’arrêter. Bêtement, j’ai pensé qu’on risquait de plonger à un moment ou à un autre dans l’horreur… mais pas du tout.
Cette histoire, si elle traite de sujets profonds – l’homophobie en particulier, et les maladies mortelles de façon plus métaphorique – les traite avec une douceur telle qu’à aucun moment cela ne devient dur à supporter ou trop lourd… Je fais d’immenses efforts pour arrêter les jeux de mots mais mon cerveau refuse catégoriquement.
Ce roman, c’est un petit concentré de tendresse, d’humour, d’amitié et d’appel à la compréhension. Un petit morceau d’espoir qui, même à la fin, nous arrache un sourire doux-amer.
ARKADY MARTINE, TEIXCALAAN TOME 2, UNE DÉSOLATION NOMMÉE PAIX
Quand il s’agit de livres à l’écriture et au scénario aussi exigeants que la duologie des Teixcalaan, je préfère éviter de trop laisser traîner : un mois après le premier tome, me voici lancée dans le second, Une désolation nommée paix, qui cette fois-ci nous envoie dans un secteur perdu de l’univers aux côtés de Mahit et Trois Posidonie pour un scénario de premier contact avec des aliens qui n’ont de toute évidence pas envie de discuter.
Plus que le premier, ce roman choral varie les points de vue, non seulement entre nos deux protagonistes préférées (les personnages de Mahit et de Trois Posidonies sont très bien écrits, crédibles et cohérents) mais aussi avec l’héritier impérial Huit Antidote, qui du haut de ses onze ans cherche à comprendre l’Empire dont il est censé hériter, ainsi qu’avec d’autres personnages. Cette variation des points de vue nous permet de mieux comprendre les différentes facettes de cet Empire complexe ainsi que de la station Lsel, les « barbares » de chez qui provient Mahit. La fraîcheur de la découverte de la Cité que l’on avait au premier tome est remplacée par la découverte de quelque chose de bien plus vaste et terrifiant, où l’on voit tout ce que Teixcalaan est prêt à faire pour sa propre unité.
Ce n’est pas le premier livre que je lis abordant le sujet du premier contact, mais c’est le seul dont je me souvienne qui parvienne à ce point à mettre en avant l’étrangeté et la différence, tout en axant son propos sur la communication interespèces et sa nécessité, même face aux pires atrocités, plutôt que sur une espèce de binarité qui a tendance, dans ces cas-là, à me sortir par les yeux (ils sont gentils, ils essaient de parler avec nous VS ils sont méchants, ils ne parlent pas et ils sont venus pour nous manger…). Une désolation nommée paix arrive à faire dans la nuance et clôt avec brio cette duologie en sortant du piège que j’avais signalé en passant pour le tome 1 (une écriture que je trouvais parfois un peu brouillonne).
FRED VARGAS, TEMPS GLACIAIRES
Il faut entretenir ses amitiés. C’est la raison pour laquelle je retourne fréquemment vers les romans de Fred Vargas et le commissariat d’Adamsberg, histoire de retrouver cette équipe avec laquelle j’ai l’impression d’être devenue amie, à force. Mais je me retrouve à me répéter, petit à petit. Les talents de Fred Vargas ne varient pas, sa plus grande qualité est encore et toujours sur les dialogues et je finis par me demander si je vais bien pouvoir ajouter quelque chose de nouveau sur mes chroniques de ses livres.
Eh bien oui ! En tout cas pour celui-ci. Je l’ai choisi, évidemment, à cause de son titre qui laisse présager un roman très frais en ce début d’été (vous ai-je dit que je détestais l’été, particulièrement à cause de la chaleur ? C’est la seule saison que je n’aime pas…) et me suis retrouvée engagée dans une enquête qui mêle voyage touristique en Islande ayant mal tourné à une curieuse association historique sur les écrits de Robespierre, rejouant les scènes de l’Assemblée des mois de la Révolution et de la Terreur. Si, de prime abord, on voit assez mal le rapport entre les deux et comment pourrait tenir une enquête basée sur deux axes aussi différents, Fred Vargas parvient à articuler les deux et à nous tenir en haleine sur cette double piste.
Pas de coïncidence un peu trop tirée par les cheveux qui ne prendrait de sens qu’avec le passé d’Adamsberg cette fois-ci, les éléments sont tous à la portée du lecteur dès le moment où l’équipe en prend connaissance et j’ai eu pour la première fois la satisfaction d’avoir déduit une partie du dénouement de l’intrigue, même si le reste était toujours hors de ma portée. C’est pour moi, en ce sens, le meilleur roman de Vargas que j’aie lu, et qui m’a permis de faire un voyage en pensée bienvenu vers l’Islande au moment où, dans ma réalité physique, on commence à dépasser les 30 degrés dehors un peu trop souvent à mon goût.
DEREK KÜNSKEN, CYCLE DE L'ÉVOLUTION QUANTIQUE, TOME 2, LE JARDIN QUANTIQUE
Je termine ce mois-ci avec la lecture du Jardin Quantique, tome 2 du cycle de L’évolution Quantique de Derek Künsken, un autre cycle commencé au mois dernier. Tout comme le tome 1, celui-ci est déroutant, avec son mélange de hard-science et d’action, avec ses longues parties difficilement compréhensibles pour un non-initié sans avoir un livre de physique posé à côté de lui, et encore.
Pourtant, il y a une véritable poésie qui se dégage de ce deuxième tome, centré sur un voyage temporel – avec toutes les difficultés que cela implique en matière de cohérence de l’histoire, cohérence qui est parfaitement résolue par l’auteur, chose assez rare pour le souligner. De toute façon je ne m’y connais décidément pas assez en physique pour critiquer ses explications en matière de causalité, d’intrications quantiques ou de lignes temporelles. Je me suis toutefois laissée bercer par cet univers au world-building impressionnant, qui va au-delà des formes de vie extraterrestres-mais-pas-trop-quand-même qu’on trouve très fréquemment en science-fiction ; aux personnages très bien définis, avec un petit coup de coeur personnel pour Stills, son vocabulaire cru et sa non-compréhension des explications des Homo Quantus.
C’est donc le troisième cycle que je termine ce mois-ci, avec l’impression, comme pour les deux autres, que le tome 2 est nettement plus construit, travaillé et intéressant que le premier. C’est certes une coïncidence, mais quel beau mois de lecture s’achève sur cette constatation !