Cet article est la suite de ma série Ecrire un roman dont vous pouvez retrouver les premiers épisodes ici si vous ne les avez pas lus.

Vous croyiez être sortis d’affaire avec le premier jet ? « Ca y est, mon histoire est terminée, je vais enfin pouvoir souffler… » Je vais devoir balayer tout ça avec une amère vérité : c’est maintenant que tout se joue. Vous vous souvenez que je vous avait dit que j’écrivais le premier jet d’une traite sans relire de peur d’avoir envie de le brûler ? Eh bien, éloignez ce briquet de vous si vous êtes comme moi car c’est le moment de relire et de retravailler tout ça. 

La première relecture

Si vous avez suivi les épisodes précédents, vous avez pris une pause après le premier jet, le temps de laisser votre roman infuser comme une tisane ou vieillir comme un bon – ou un mauvais – vin. Il est à présent temps de le déboucher ou de rouvrir le document word pour mettre un terme à la métaphore, et de regarder avec un oeil neuf ce qu’il vaut vraiment. 

Pour cette première relecture, je conseille de résister à la tentation de toucher au clavier pour corriger directement les horreurs qui vous sautent aux yeux – certains auteurs impriment leur texte à cette étape là parce qu’ils préfèrent relire en version papier, que ça leur paraît plus simple, je n’ai pas vraiment d’avis là dessus. J’ai l’habitude de relire directement ma version électronique et je fais une seule exception à ma règle ci-dessus pour corriger les coquilles et autres erreurs de conjugaison si je les aperçois, de peur qu’elles ne m’échappent plus tard. Pendant que je relis attentivement mon texte, je prends des notes sur un cahier et aussi en commentaires word sur absolument tout ce qui me paraît maladroit, mal dit, incohérent, ce qui ne correspond pas à l’univers ou aux personnages. Je les prend de façon chronologique et je me réfère à mes documents annexes pour vérifier les incohérences (la chronologie, justement, mes fiches personnage, mon encyclopédie, ma cosmologie, bref, tous les documents de worldbuilding que j’ai pu créer avant le premier jet ou pendant ma phase d’approfondissement.)

Une fois que j’ai rempli mon cahier et atteint le mot fin, je relis mes notes et j’essaie de les organiser par thématique. Par exemple voici la liste des thèmes que je m’étais notés pour ma dernière réécriture en date :

  • Relations entre personnages
  • Caractérisation des personnages
  • Décors/worldbuilding
  • Chronologie
  • Cohérence
  • Rythme
  • Equilibre des parties

En poussant le tri un peu plus loin, on pourrait se rendre compte que cette liste pourrait probablement être divisée en fond et forme, narration et histoire, bref, vous saisissez, mais les deux étant difficilement dissociables, je préfère ne pas organiser de cette façon là.

Chacun des éléments de cette liste va faire l’objet d’une nouvelle relecture minutieuse de chacun des sous thèmes qu’il englobe (les points relevés à la première relecture, comme ceux qui m’auront échappé) et où cette fois-ci, je m’accorde le droit de retravailler et réécrire mon texte. Et bien sûr, si d’autres problèmes de mon texte que j’ai loupés la première fois me sautent aux yeux, je les rajoute à ma liste pour qu’ils trouvent leur solution. 

Image d'illustration de l'article écrire un roman 5 : relectures et réécritures

Les réécritures

Vous aurez remarqué que je mets tout cela au pluriel. Les réécritures, c’est ce qui prend le plus de temps pour moi dans l’écriture d’un roman. Il peut arriver que le premier jet soit relativement satisfaisant, mais il arrive aussi qu’il y ait tellement de choses à changer que la totalité du roman en soit bouleversée : par exemple pour le tome 1 de la trilogie de fantasy que j’écris, j’étais si peu satisfaite du premier jet que j’ai modifié l’ordre des chapitres, rajouté des scènes tandis que j’en retirais d’autres, modifié entièrement le destin d’un des personnages et totalement chamboulé les lieux, personnages et le déroulement de plusieurs scènes pivot. Dans ce cas-là qui est particulièrement extrême, je laisse de nouveau patienter mon texte plusieurs semaines avant d’y retoucher car il s’agit presque d’un nouveau premier jet. Mais les réécritures peuvent ne pas être aussi drastiques, même si ce sera, dans tous les cas, long et douloureux.

Je dramatise un peu. La réécriture est mon étape préférée de l’écriture d’un roman avec le worldbuiding. C’est le moment où l’histoire commence vraiment à prendre de la consistance entre vos mains, adopter une forme – pas vraiment définitive ni parfaite – mais au moins avoir un modelage qui fait sens, c’est le moment où tous les éléments s’emboitent et où on polit les angles, où on supprime la majeure partie des maladresses pour parvenir à raconter l’histoire et se préparer à la mettre face au reste du monde. C’est un peu de la magie… 

Stephen King, dans Ecriture, raconte le conseil qu’on lui a donné un jour : « Quand on écrit une histoire, on se la raconte […] Quand on se relit, le gros du travail consiste à enlever ce qui ne fait pas partie de l’histoire » (p.67). Il considère que la réécriture consiste principalement à retirer ce qui est en trop et qu’un roman réécrit contient toujours moins que le premier jet (dix pourcent de moins, il avait même écrit la formule, il me semble, mais je ne parviens pas à retrouver la page avec la citation exacte). Je pense, sans vouloir le contredire, que cela doit énormément dépendre des auteurs. Comme j’écris mon premier jet avec un plan et un worldbuilding parcellaires, c’est plutôt l’inverse dans mon cas. Pendant la réécriture, je rajoute des détails, des scènes, je travaille plus les relations entre les personnages que ce que le premier jet faisait, ce qui a tendance à le rendre plus lourd que mon écrit de départ. Cependant, je suis d’accord avec lui dans le sens où une dernière réécriture avant de présenter le livre à ses premiers bêtas lecteurs doit, selon moi, nécessairement servir à retirer des choses. C’est le moment où on se débarrasse de tout le superflu, des lourdeurs, des adverbes, des tournures bizarres (c’est un de mes plus gros défauts d’autrice, mon esprit produit des tournures de phrases lourdes et ampoulées que je dois ensuite traquer impitoyablement pour les réduire à leur plus simple expression et les rendre limpides), de tout ce qui peut alourdir le sens sans apporter au lecteur. 

Quand savoir quand on en a terminé avec cette étape ?

Je pense que c’est la question la plus difficile. Il y aura toujours des choses à modifier, en y prenant garde, et mettre fin à la phase de réécriture, c’est aussi accepter que le roman ne pourra pas être parfait. Si vous avez de la chance, vous atteindrez un moment où vous vous sentirez satisfait de votre texte au point de vous dire « là, je n’y touche plus ». Avec un peu moins de chance, vous atteindrez un moment où vous vous rendrez compte que vous n’êtes pas satisfait, mais que vous n’avez aucune idée de ce que vous devriez faire de plus pour que le roman atteigne son plein potentiel. Ce sont les signes qu’il est temps de mettre fin à la phase de réécriture et de laisser le roman aux mains de personnes de confiance, qui sauront mettre le doigt sur ce qui ne va pas mais aussi, espérons-le, souligner ce qui va bien. Bref, c’est le moment de la bêta-lecture, dont je parlerais le mois prochain. 

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