Avec un bon mois de retard puisque je n’ai pas publié l’article en septembre, je poursuis mes lectures d’ouvrages sur l’écriture (que vous pouvez toutes retrouver dans la catégorie Analyse-décryptage) avec celle de Comment écrire une fiction ? par Lionel Davoust, aux éditions Argyll. Et oui, on est décidément passé chez les francophones avec les deux dernières analyses.

Photo de l'ouvrage "Comment écrire de la fiction : rêver, construire, terminer ses histoires" par Lionel Davoust aux éditions Argyll

A défaut d’avoir écrit des best-sellers ayant eu autant de retentissement que certains autres écrivains des ouvrages que j’ai analysés précédemment, Lionel Davoust est l’auteur de très nombreux ouvrages dans l’imaginaire et j’admire beaucoup son œuvre, notamment Les Dieux sauvages dont j’attends impatiemment le cinquième tome. C’est aussi l’un des co-animateurs du podcast Procrastination dont je suis une grande fan et qui parle d’écriture… Quelqu’un qui sait de quoi il parle, donc !

Que s’attendre à trouver dans cette œuvre ?

Couverture du livre "Comment écrire de la fiction" par Lionel Davoust, aux éditions Argyll

A la différence des œuvres analysées précédemment, vous ne trouverez pas dans ce roman de long passage biographique sur la genèse d’écrivain de Lionel Davoust, pas plus que sur sa pratique personnelle de l’écriture (ou alors, de façon anecdotique ou en lisant entre les lignes). Ce livre est avant tout un ouvrage qui respecte son titre et que l’on pourrait qualifier de « méthode » d’écriture même si je déteste ce terme – trop scolaire… En tout cas qui s’inscrit dans la lignée des ouvrages américains sur la construction de fictions et s’adresse aux auteurs débutants ou moins débutants pour les guider à travers certaines étapes du processus d’écriture et les amener à réfléchir sur leur pratique et la construction de leurs histoires.

Dit comme ça, ça fait un peu scolaire. Mais le ton de Davoust est tellement savoureux et plein d’humour, ce livre transpire l’amour qu’il a pour la fiction et le communique au lecteur avide de conseils… Et des conseils, il y en a, plein. J’ai pour habitude d’aborder ces lectures analytiques avec un carnet et un stylo pour noter différentes citations ou observations, mais j’ai fini par souligner (au crayon à papier, je ne suis pas une barbare) directement dans le livre tout ce qui m’intéressait pour éviter de passer trop de temps à noter, tellement j’avais envie de tout noter. Les réflexions sont intéressantes, approfondies, les observations pertinentes, et si je devais classer toutes les œuvres que j’ai lu depuis le début par ordre d’utilité en termes de pratique pure et dure, celle-ci serait probablement en tête de liste.

Ce que j’ai envie d’en retirer pour ma propre pratique

C’est le moment déchirant de faire un tri pour extraire trois idées qui m’intéressent particulièrement, et la tâche est ardue tant je trouve que tout est pertinent ici. Donc, comme d’habitude, je fais le tri entre des éléments à analyser parce que c’est le but de ces articles, mais allez lire le livre et retirez-en vos propres conseils, c’est une pure mine d’or !

Questionner en permanence

Lionel Davoust propose l’idée que les… idées, justement, trouvent leur sens à force d’être approfondies, creusées par des questions. Il ne s’agit pas forcément d’en trouver les réponses, mais de trouver le questionnement qui sonne juste pour nous, qui nous conduise sur un chemin qui s’approche de la vérité qu’on cherche à approcher par notre texte.

« Alors, comment affine-t-on les contours ? Par des interrogations sans relâche. « Qu’es-tu ? Que se passerait-il si… ? Qu’entraînes-tu comme conséquences ? » Et en ne redoutant pas de faire fausse route mais en traquant, en soi-même, cette sensation de justesse à chaque pas ; en cherchant ce qui suscite le sens et la joie. »

Lionel Davoust, Comment écrire de la fiction, p. 17

C’est une idée qui est non seulement essentielle lors de l’étape préparatoire du roman ou du texte, mais aussi à chaque phrase, pour trouver à chaque fois l’expression la plus juste et ce qui fait le plus de sens dans l’unité du roman, dans la beauté du texte en lui-même et dans la façon dont il résonnera dans la réalité tangible du lecteur.

A propos de « s’exercer » à écrire

L’idée, ici, c’est de se souvenir qu’à la différence d’autres arts, comme la musique, nous ne pouvons pas réellement faire de « gammes » pour développer notre technique. Celle-ci ne s’affine qu’en écrivant, et on ne peut pas travailler chaque aspect de notre technique indépendamment des autres : on avance en écrivant, en travaillant sur nos projets, et tous les aspects techniques progressent en même temps, même si parfois on a du mal à s’en rendre compte.

« Cela signifie que la pratique progresse par incréments, parfois peu visibles, à mesure que l’on sent mieux, globalement, le fonctionnement de ses histoires et que le regard s’affine. »

Lionel Davoust, Comment écrire de la fiction, p.21

S’en souvenir permet, je pense, d’éviter une partie de la frustration d’avoir l’impression de faire du sur-place puisque les marqueurs de progression de l’écriture sont bien moins visibles que ceux des autres arts. On peut s’en rendre compte, peut-être, à force, au temps passé pour créer et améliorer les textes ou à la facilité avec laquelle on trouvera les mots justes, peut-être aussi en comparant notre écriture actuelle avec des textes plus anciens.

Know your enemy

Lionel Davoust parle des codes conscients et inconscients qui jouent sur la création et la narration d’une histoire. Le lecteur n’apprend (à priori) pas à lire avec votre roman et, même si c’était le cas, il arrive avec ses habitudes, ses ressentis qui lui viennent des histoires qu’il a lues ou qu’on lui a racontées, qu’il a visionnées en films et en séries… tout comme l’auteur lui-même. Du côté de la fiction, il y a les tropes, les clichés et stéréotypes, ce qui est attendu dans un genre ou un autre (par exemple si je parle de deux personnages qui en se bousculant font tomber des papiers, que je dis que leurs doigts se frôlent alors qu’ils s’excusent et qu’ils ramassent tout, vous avez tout de suite certaines attentes). Du côté de la narration, il y a les expressions consacrées et habituelles (vous n’aurez aucun mal à compléter la phrase « ils vécurent heureux et… »).

… connaître et étudier les codes vous donne une longueur d’avance sur le ressenti du lecteur, vous permet de jouer – et tricher ! – pour le tenir dans le creux de votre main […]

Lionel Davoust, Comment écrire de la fiction, p. 43-44

L’idée est qu’on s’inscrit dans la lignée de toutes les histoires qui nous ont précédés, qui ont établi un certain nombre de codes et qu’il n’est pas question de réinventer le fil à couper l’eau tiède (hein? de quoi?). Et oui, c’est un bon exemple : vous connaissez les expressions, moi aussi, ce qui m’a permis de les détourner pour créer une surprise (bien que la valeur littéraire et logique de ce détournement soit discutable). En résumé, avoir lu ou vu des histoires autres que la vôtre vous empêche de tomber dans le piège de vous piquer d’originalité alors que vous reprenez quelque chose que tout le monde connaît, et vous permet en plus de vous servir des attentes de votre lecteur pour les retourner contre lui (ou pas, mais en tout cas pouvoir choisir en conscience). Ce qui me conforte dans l’idée de l’importance de lire énormément (on rejoint ici Stephen King) mais aussi de voir des choses, de s’ouvrir au monde, de lire des ouvrages théoriques aussi qui décortiqueront certains des codes… Souvent, je me dis « hum, non, je ne vais pas faire ça, c’est cliché », mais l’idée proposée par Davoust, c’est aussi de détourner à notre avantage certains clichés pour créer la surprise et l’émotion chez le lecteur.

Comme d’habitude, j’espère que cet article vous a plu et permis de découvrir une approche différente de l’écriture, et qu’il vous aura peut-être convaincu de jeter un œil à cet ouvrage qui est déjà devenu une référence pour moi. N’hésitez pas à parler de vos ressentis en commentaire ou à me rejoindre sur Instagram (sur lequel je suis très active, beaucoup plus que sur ce site) pour en découvrir encore plus et parler de tout cela avec moi.

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