Je reviens doucement sur ce site avec mon bilan de lectures de décembre très en retard. En plus de la pause que j’ai faite (voir mon post à ce sujet), c’était un mois très fourni niveau lectures et, puisque c’est le privilège quand on est en retard, je peux vous annoncer qu’il en ira de même avec mes lectures de janvier et de février. Un mois un peu en dents-de-scie, avec de jolies lectures mais aussi des romans qui n’ont pas réussi à me toucher, sans doute parce que j’en ai trop lu dans ce genre là et qu’à notre époque, la vision du monde qu’ils véhiculent peut paraître dépassée voire obsolète. Mais j’y reviendrai quand il sera temps d’en parler.

Christopher PriEst, Futur intérieur

Christopher Priest, Futur Intérieur, aux éditions J'ai lu
… Et il est temps d’en parler. Futur intérieur est un roman de SF publié en 1977, soit pendant la guerre froide. Et la science-fiction, comme ça vieillit vite ! Ça peut, bien sûr, être intéressant d’en lire comme des témoins des préoccupations et des espoirs de leur époque (j’en avais déjà un peu parlé pour L’homme tombé du ciel de Walter Trevis dans mes lectures d’août). Mais le problème, c’est que je ne sais pas ce qu’ont les bibliothèques communales avec la science-fiction : on dirait qu’ils ont arrêté d’acheter des livres de ce genre en 1991 ou qu’ils sont figés dans ce passé-là… J’exagère un peu : beaucoup des livres de SF que j’ai lu ces derniers mois étaient empruntés à la bibliothèque et la plupart étaient « actuels » mais reste que TOUTES les bibliothèques dans lesquelles j’ai emprunté avaient un sacré stock de SF de la guerre froide, qui est presque un genre à part selon moi. Et que je me retrouve toujours à prendre parce que les résumés font envie mais ne sont pas forcément ultra représentatifs de ce qu’on va trouver à l’intérieur. Résumons : 39 scientifiques sont envoyés dans une projection mentale commune d’un futur utopique de façon à déterminer comment amener l’humanité vers ce futur rêvé. Mais vivre dans cette projection en permanence les détache beaucoup de la réalité. Quand Julia, une membre du projet, se retrouve de nouveau face à son ancien amant et persécuteur – avec qui elle avait une relation abusive – et que celui-ci décide de reprendre son emprise sur elle, il menace la projection dans son ensemble

J’aime beaucoup les romans qui ont une part utopique et j’avais très envie de découvrir le contenu de cette projection, une idée assez originale et intéressante mais… Eh bien il s’agit d’une utopie pour le bloc occidental de la guerre froide, je suppose : un merveilleux paradis capitaliste ! Une petite ville portuaire touristique… Alors certes, un peu plus incluante que beaucoup de livres de cette époque et avec déjà un début de réflexion sur la pollution mais de toute façon, ce futur projeté n’est pas vraiment le sujet du livre. Non, le sujet, ce sont les scientifiques qui vivent à l’intérieur et qui se détachent peu à peu de leur monde, et surtout cette fameuse menace qui pèse sur la projection, amenée par un élément extérieur en la présence de l’ancien « amant » de Julia (préservons-nous d’amants comme ça) ; un manipulateur toxique prêt à tout pour arriver à ses fins.

Etonnamment, cette relation est le point le mieux traité du roman, avec un traitement assez réaliste de la peur de Julia et de ses tentatives de se protéger, mais, encore une fois, l’époque joue beaucoup car la solution au(x) problème(s) viendra de l’amour. Enfin, d’un homme, quoi, parce qu’une femme n’est évidemment pas capable de s’en sortir toute seule.

En termes de lecture pure et dure, j’ai mis un bon tiers du roman à réussir à me mettre dedans, à cause de longueurs qui ne sont pourtant et malheureusement pas suffisantes pour nous aider à comprendre le fonctionnement de tout ce machin, la multiplication de points de vue dont certains vraiment inutiles perd le propos, le deuxième tiers, allez le deuxième tiers et demi a un peu plus d’enjeux et d’intérêts, mais ensuite le roman se dépêche de clore toutes ses intrigues de façon beaucoup trop accélérée selon moi, ce qui laisse un sentiment d’inachevé. Bref, je m’étais dit que j’allais pour un moment essayer d’arrêter d’emprunter des livres de cette époque parce que j’avais envie de lire des problématiques plus actuelles, mais… eh bien vous allez voir très vite.

Aurélie wellenstein, Le dieu-oiseau

Aurélie Wellenstein, "Le Dieu oiseau" aux éditions Scrinéo
Quitte à rester, voire à bien s’enfoncer à pieds joints dans une ambiance plombante, j’ai poursuivi avec le Dieu Oiseau, et *intense soulagement* au moins l’écriture d’Aurélie Wellenstein est-elle vraiment visuelle, agréable à lire et très fluide, ce qui est un pur bonheur comparé au copinou du dessus. Mais en termes de thématiques, on entre ici presque dans le gore, en tout cas dans le très sanglant et dans une lecture qui ne nous épargnera rien de ce que l’humanité a de plus sombre, mais qui au moins, le restituera bien. Résumons : Après leur défaite lors de la compétition qui oppose les dix clans de son île, la famille de Faolan a été massacrée et il est devenu l’esclave de Torek, le fils du chef des vainqueurs, qui lui fait subir les pires sévices. Depuis dix ans, il attend le retour de la compétition et sa vengeance, s’espérant capable de se mesurer aux autres et de remporter la victoire sur l’île du Dieu Oiseau. La liste des trigger-warning possibles dans ce roman est longue comme un aller-retour jusqu’à la lune donc je ne vais même pas les citer (et il y a fort à parier que si vous me posiez la question avec un TW choisi au hasard dans une liste d’horreurs violentes je répondrais « ouaip »), me contentant de dire que si les histoires (ultra)violentes ne sont pas votre truc, vous risquez de passer un sale moment.
Cela dit, je suis ultra sensible à ce genre de choses et j’ai quand même réussi à trouver que c’était une lecture… Ben je pourrais pas dire belle ou agréable, mais en tout cas ça m’a transportée et ça a fonctionné. La faute à la plume de l’autrice qui arrive à restituer avec brio toutes les facettes les plus obscures de l’humanité, qui explore la psyché humaine jusque dans ses moindres recoins, crée un univers organique où tout a une consistance : on s’enfonce dans la boue des marais et le tunnel d’un puits, on a peur pour ce protagoniste tout en ayant peur de lui. Et on nous laisse juste assez d’espoir pour qu’on continue à lire en espérant trouver une porte de sortie de ce monde impitoyable ; alors qu’on est ballotés d’une péripétie à l’autre et que les rares moments d’accalmie sont porteurs d’une sourde menace souvent venue de la psyché même du protagoniste.

Alric & Jennifer twice, la passeuse de mots, TOME 2, L'oeil de vérité

Alric & Jennifer Twice, La passeuse de mots, livre 2 "L'oeil de vérité"

Heureusement que, pendant toutes ces lectures éprouvantes, je poursuivais la lecture en livre audio de la saga La passeuse de mots, commencée en novembre, avec le tome 2, cette fois-ci. Un peu mieux habituée à l’audio à présent, j’ai réussi à moins facilement décrocher et à être plus régulière dans ma progression, ce qui a joué en faveur de ce tome-là par rapport au premier. 

On a toujours un univers qui prend (énormément) de temps pour s’installer – c’est un peu trop, même pour moi qui n’ait pourtant souvent que le reproche inverse à la bouche – avec des descriptions qui cherchent probablement à rivaliser en longueur avec celles de Balzac et qui, si on les mettait bout à bout pour les comparer avec le reste de l’intrigue (ne faites pas ça, c’est stupide) représenteraient sûrement plus de la moitié de ce sacré pavé. Donc oui, ça traîne un peu en longueur parfois, mais ça ne me dérange pas particulièrement. Ce qui me dérange un peu plus, c’est que parallèlement à ça on a des passages qui paraissent importants et sont carrément élidés, donnant l’impression que deux personnages se font soudain la tête pour aucune raison d’un chapitre à l’autre (une partie semble résolue par des flash-back dans le tome 3, mais ça reste déstabilisant).

En revanche, au cours de ce tome 2, le rythme va énormément s’accélérer jusqu’à arriver à un point de bascule important sur la fin, un véritable point de non-retour. Après un début très en douceur et dans la droite ligne de la douceur du tome 1, on finit sur un aspect beaucoup plus sombre et un rythme très rapide, ce qui est très agréable mais, paradoxalement, force la comparaison avec le début du roman et donne l’impression d’encore plus de lenteurs, notamment dans le passage à Sol’Zar qui est particulièrement long. Et, petite fierté personnelle, j’avais senti venir en partie le twist final même s’il a réussi à me surprendre par certains de ses aspects.

 Olivie blake, le paradoxe d'atlas (atlas six, tome 2)

Olivie Blake, "Le Paradoxe d'Atlas" aux éditions Michel Lafon
Cette fois-ci, je pars sur une suite des lectures d’Octobre avec Le Paradoxe d’Atlas. Le tome 1 était passé à assez peu de choses d’être un coup de coeur, mais malheureusement ce tome-ci, sans que je puisse prétendre ne pas l’avoir aimé, n’est pas à la hauteur du premier. Si le rythme est particulièrement plus rapide que celui d’Atlas Six (et on sait que pour moi c’est rarement un avantage), je l’ai trouvé beaucoup plus décousu, alors même que ma lecture a été beaucoup plus régulière. Par rapport au tome 1, il a perdu en ambiance ce qu’il a gagné en intrigue et, pour des lecteurs amateurs de romans qui prennent leur temps, comme moi (et encore plus pour une dark academia, je pense) c’est assez décevant. Les enjeux sont bien mis en place et plus importants que dans le tome 1, mais je les ai ressentis avec moins de force et j’ai bien souvent eu l’impression de lire des « tranches de vie » des personnages sous forme de flashs répartis sur toute l’année que dure le roman. Pourtant, certains personnages gagnent un développement qu’ils n’avaient pas dans le premier tome, par exemple Gidéon qui s’avère être un véritable souffle d’air frais dans cet univers souvent trop cynique.

Reina aussi a un peu plus de place, ce qui aurait dû me plaire parce que c’était un personnage qui m’intriguait beaucoup, mais on reste sur quelque chose d’assez superficiel, avec une évolution basée uniquement sur un problème de communication avec un autre personnage (faites moi penser à faire un article sur la communication dans les romans et à quel point les quiproquos et autre « j’ai menti pour absolument aucune raison » / « je t’ai pas parlé parce que j’avais un bâillon en scénarium ») me font soupirer fort) et j’attends donc de pouvoir lire le tome 3 pour émettre mon jugement final à ce sujet.

Aurélie wellenstein, Mers mortes

Aurélie Wellenstein, "Mers mortes" aux éditions Scrinéo

Si besoin était d’une preuve que la plume d’Aurélie Wellenstein m’avait plu dans le Dieu Oiseau, la voici : je suis allée emprunter un autre livre de l’autrice histoire d’en découvrir plus encore. Et sautons tous ensemble de joie : Mers mortes est BEAUCOUP plus accessible que Le Dieu oiseau, même pour des lecteurs assez sensibles. Malheureusement, la plume y est un peu moins fluide et poétique, comme si elle s’était vraiment épanouie dans l’horreur… Mais cela reste une écriture superbe, précise et visuelle, portée cette fois par un thème qui me tient à coeur (et qui selon moi devrait tous nous tenir à coeur) : le changement climatique et ses conséquences.

Résumons : Les mers ont disparu et les fantômes des créatures marines veulent se venger. Le rôle d’Oural est de les exorciser, jusqu’au jour où il est emmené par le capitaine d’un vaisseau pirate vers une lointaine destination…

J’ai du mal à en dire plus parce que le plus gros défaut que j’aie trouvé à ce roman est que le résumé de 4e de couverture en disait beaucoup trop et que la suspension d’incrédulité m’a été très difficile à cause de ça. Déformation d’autrice ? Je ne suis pas sûre que ce soit la seule chose qui joue… En tout cas l’évolution de la relation entre les personnages était selon moi prévisible depuis le début et j’ai eu du mal à ne pas trouver artificielles les réticences du personnage principal.

Côté thématique, on a donc un roman qui mélange post-apo et fantasy, car oui, il s’agit bien de notre monde, des années après qu’il ait été dévasté par le changement climatique. L’approche est originale et fonctionne très bien, nous implique bien davantage que si nous étions dans un univers fictif. De nombreux passages du roman vont nous ramener au début de cette période de changement, aux réfugiés climatiques qui doivent vivre avec les conséquences de la folie des hommes et de leur inaction ; mais le roman apporte un point de vue supplémentaire avec les rêves d’Oural qui le placent dans la peau d’animaux marins torturés par les hommes et lui font ressentir leurs souffrances. Un point de plus pour ce roman qui parvient à dénoncer sans paraître trop pédagogique ni desservir le récit, au contraire.

Pierre Pelot, La Guerre Olympique

Pierre Pelot "La guerre olympique", Folio SF

Vous vous souvenez du début du mois (enfin du début de cet article), quand j’ai dit que j’en avais marre des romans de la guerre froide ? *toussote* « Publié en 1980… » Ben voilà. Je me suis encore fait avoir.

Résumons : Au XXIIIe siècle, le monde est divisé en deux blocs *pleure* qui, pour ne plus avoir à se faire la guerre et résoudre dans le même temps la surpopulation et la criminalité, ont eu une idée « brillante » : mettre des puces explosives dans la tête de tous les « criminels » de leurs pays et s’affronter dans des jeux sanglants au cours de jeux olympiques. Chaque victoire d’un camp fait exploser une partie des puces de l’autre camp et la victoire finale fait exploser toutes les puces restantes (on parle d’une dizaine de millions). Qu’est-ce qu’on est malins, quand même !

Oui bon, j’avoue que même si j’ai encore râlé sur les deux blocs, l’idée de base était suffisamment originale pour me donner envie de lire, mais comment dire… En dehors de l’originalité de l’idée, il n’y a vraiment rien qui aille. Encore une fois, on ne demande pas aux auteurs du passé de prédire l’avenir mais imaginer aussi peu d’évolutions entre leur temps et le temps de leur récit c’est quand même ne pas faire attention aux évolutions passées, surtout que là on parle de plusieurs siècles de différence qui ne servent à pas grand chose et que ça ne m’aurait pas choquée que l’action se passe en 1990. Mais je peux passer là dessus, la SF est le reflet des préoccupations blablabla… Je vais même passer sur la vision des femmes même si ça m’a sacrément foutue en rogne (parution en 1980, pas en 50 !) 

Mais même en concédant tout ce qu’il y a à concéder, j’ai passé un mauvais moment. L’écriture n’a rien de particulier, ni bonne, ni mauvaise, je n’ai rien ressenti en lisant, aucun attachement pour aucun personnage mis à part un condamné politique du bloc occidental qui nous fait ressentir en partie l’injustice de la situation ; l’idée de « et si le sport était politique » pourrait être intéressante mais là c’est la politique qui se sert du sport comme prétexte, comme elle pourrait se servir du crochet ou du scrabble, ça pourrait avoir un intérêt dans la motivation des foules mais de toute façon vu que les opposants politiques se font mettre des puces dans le cerveau dès qu’ils parlent un peu trop fort, l’intérêt se perd vachement. Et puis il n’y a aucune évolution, on nous montre juste le déroulement de cette guerre olympique avec certes une petite péripétie pour ajouter un suspense mais qui ne menace en rien l’équilibre de l’ensemble et donc nous voilà bloqués dans le temps avec d’un côté l’envie de finir vite cette lecture qu’on n’a pas du tout envie de voir s’éterniser et de l’autre l’envie de soupirer très fort à chaque fois qu’on attrape le bouquin pour en lire quelques pages. Bref j’ai failli abandonner la lecture, la seule raison pour laquelle je ne l’ai pas fait c’est que je n’avais pas d’autre livre sous la main pour enchaîner avec une lecture plus plaisante. La plupart du temps j’essaie de trouver aussi des bons côtés mais là je suis désolée, je n’y arrive pas, mis à part « idée de base intéressante » et « écriture pas mauvaise » (mais pas bonne non plus) mais force est de constater qu’à moi, ça ne suffit pas. 

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