Dans ma quête incessante de vrais bons films et séries de fantasy, j’ai fini par regarder la sortie du moment sur Netflix, « La demoiselle et le dragon » (Damsel, en VO). J’ai entendu des critiques assez mitigées du film en question, je me suis donc lancée avec tout le scepticisme possible, et… si on oublie un énorme détail qui remet en question toute la cohérence de l’intrigue (et dont je parlerais dans une partie indiquée spoiler parce que ça spoile énormément), ça va. Vraiment, ce n’est pas le film du siècle, mais j’ai passé un bon moment.
L'efficacité dans la simplicité
Le film assume dès le départ son côté « conte de fées » revisité avec une voix off qui nous explique que ceci n’est pas l’histoire d’un chevalier qui sauve une princesse de sa tour gardée par un dragon (clairement pas). Mais il reprend néanmoins l’aspect et les codes des contes de fées, avec ses archétypes (la demoiselle en détresse, sa petite soeur qu’elle adore et qui est terriblement naïve, le dragon, le prince, la reine etc.) et beaucoup de ses schémas de départ : la famille de l’héroïne, Elodie, est une famille plus ou moins royale mais vivant dans un pays très pauvre, ravagé par la famine, qui décide pour permettre à son peuple de survivre de marier Elodie à un prince très riche d’un pays lointain. Cependant il s’avère que le mariage est un leurre et qu’Elodie est expédiée en sacrifice à un dragon qui ravagerait le pays sans cela. Et c’est là que s’arrête le conte de fées et qu’Elodie va devoir survivre. Une intrigue des plus linéaires, mais qui fonctionne avec une assez grande efficacité, ne demandant pas au spectateur de réfléchir particulièrement, simplement de se laisser porter. J’avoue que pour moi qui reprochais déjà aux séries et films de fantasy de nous prendre pour des crétins, ça ne m’amènera certainement pas à changer d’avis, mais je suis d’humeur magnanime et prête à avouer que j’ai quand même passé un bon moment.
Même si j’ai vu venir à plusieurs moments les retournements de situation à des kilomètres et que les clichés m’ont fait râler et lever les yeux au ciel.
J’ai entendu pas mal de critiques parler de longueurs, pour ma part, je n’en ai absolument pas vu. Les scènes m’ont toutes parues nécessaires et à leur place, sans être trop longue, avec une montée en tension bien maîtrisée et suffisamment forte pour me tenir en haleine (même si j’ai eu quelques craintes que la gravité ne finisse par devenir le principal moteur de tension dans ce film après environ 15 chutes de l’héroïne à la suite).
Restons dans le mièvre : le film est joli
Bon, malgré une petite formation en cinéma (qui date du lycée donc d’il y a longtemps), je suis très loin de m’estimer cinéphile ni d’analyser le moindre plan du moindre film que je vois (je préfère me concentrer sur l’analyse des incohérences scénaristiques). Mais force est de constater qu’il y a plusieurs plans vraiment jolis et des recherches sur les couleurs et les lumières qui lui donnent un certain caractère. J’ai l’impression que le budget décors et costumes était plutôt correct, preuve en est qu’aucun accessoire ne m’a fait lever les yeux au ciel en grommelant « paie ton épée en plastique » comme ça a déjà été le cas sur plusieurs séries très connues (il me semble que c’était le cas dans The Witcher), même s’il n’y a pas de recherche exceptionnelle sur les costumes en question : on retrouve ici le côté « conte de fées » dont je parlais, avec des habillements qui correspondent à ceux que l’on attend de princes, chevaliers et princesses dans les contes de fées et pas de volonté d’ancrer le tout dans une époque particulière ou d’inventer de nouvelles façons de se costumer. Cependant, plusieurs composants de la robe de mariée d’Elodie, dont une scène d’habillement va nous montrer toute la complexité et chacun des éléments, vont jouer un rôle primordial pour sa survie. C’est l’une des idées que je trouve les plus inspirées et vraiment intéressante, d’autant plus que la scène de l’habillement est très longue mais qu’on va en comprendre toute l’utilité par la suite, dans la pure veine de la tradition du fusil de Tchekhov.
Quant aux animations en 3D (celles du dragon, par exemple), elles sont plutôt réussies, particulièrement en gros plans (les plans larges où on voit le dragon voler sont un peu plus aléatoire dans leur rendu, selon moi). Le dragon, d’ailleurs, a un petit côté félin plutôt que reptile qui m’a beaucoup plu.
Attention, la partie qui spoile va bientôt commencer. Et je vais vraiment spoiler, n’hésitez donc pas à arrêter la lecture de cet article ici si vous ne souhaitez pas en apprendre trop sur l’intrigue. Sachez simplement que la Demoiselle et le dragon est un film que je vous conseille si vous avez besoin de regarder un film qui détend, un conte de fées moins mièvre que la plupart des contes de fées, avec une héroïne à la fois compatissante, débrouillarde et forte (et forte toute seule, sans avoir besoin d’homme pour la protéger) et de jolies scènes, même s’il ne contient rien de vraiment transcendant.
Si vous continuez la lecture, je considère que nous sommes entre gens qui ont vu le film ou que vous vous en fichez, je spoilerais donc allègrement.
Attention : ici commence la partie qui spoile
Le gros problème, selon moi, avec La demoiselle et le dragon, c’est que son intrigue a une incohérence beaucoup trop forte dans sa construction même. Je m’explique : on a donc une famille royale qui marie, à chaque génération, son fils à trois jeunes femmes sur trois soirs différents afin de pouvoir leur faire une entaille dans la main et de mêler leur sang à celui de la famille royale, faisant d’elle, si on en croit les explications du film, des sang-royal. Bon. Comment dire. Je suis pour la magie et tout, mais il va me falloir davantage d’explications pour gober que mélanger deux plaies ouvertes vont transformer le sang de ladite jeune fille en du sang royal, au point d’arriver à leurrer un dragon – qui en plus a à priori l’odorat fin – sur plusieurs siècles. Je veux savoir comment ça marche, s’il y a un globule royal dans leur sang, un marqueur magique ou si le dragon se tape son meilleur rhume depuis plusieurs générations au point de ne pas arriver à sentir que le sang des demoiselles n’a pas la même odeur que celui du roi qui a massacré sa progéniture (j’avais bien dit que je spoilerais). D’autant plus que le dragon en question a des yeux et qu’il n’a pas non plus remarqué que les jeunes filles ont toutes des origines ethniques très différentes et pas le moindre trait en commun avec la famille qui l’a mise en colère (peut-être qu’à ses yeux tous les humains se ressemblent, admettons).
D’ailleurs, quitte à être de mauvaise foi, à quoi ça sert les épousailles puisque de toute évidence il suffit d’une entaille pour que la fille se mette à avoir une odeur princière (puisqu’à la fin Floria n’a pas été mariée au prince mais qu’elle est quand même sacrifiée au dragon avec une entaille). C’est du vrai gâchis d’argent et de temps d’organiser tous ces mariages alors qu’il suffisait d’embarquer n’importe qui au bord du précipice, paf globule royal et hop dans le trou, durée totale 2 minutes. Et d’ailleurs il leur aurait suffi d’enlever n’importe quelle paysanne du coin plutôt que de payer des parents pour qu’ils donnent leur fille en mariage et d’aller les chercher à l’autre bout du monde. Vraiment, il manque tellement d’explications que j’en reste béate. Et le problème, c’est que comme toute l’intrigue repose sur ce principe là, eh bien ça rend les fondations branlantes.
Je ne parlerai pas non plus du fait que vu la hauteur du puits dans lequel elles sont lancées, les demoiselles en questions auraient toutes dû finir au fond du précipice avec la colonne vertébrale entièrement broyée sans même que le dragon n’ait à les mettre à mort lui-même.
Et je n’en parlerai pas parce que, comme je le disais avant la partie spoil, le film assume son côté contes de fées, et dans les contes de fées on ne se pose pas autant de questions. Là, je m’amuse juste à être de mauvaise foi, mais j’ai vraiment apprécié ce film avec son héroïne beaucoup plus débrouillarde que prévu, sa compassion d’un côté et sa vengeance de l’autre, qui conduisent à une fin assez jouissive où les vrais méchants sont punis par l’alliance improbable qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer. Et ça, c’est beau.