Cet article est la partie 2 de mes lectures de mars (et oui, je l’avais annoncée pour samedi mais suite à une petite modification de planning, je la fais sortir un peu plus tôt). J’ai préféré une nouvelle fois séparer le tout, cette fois-ci parce que ce mois-ci j’ai relu pas mal d’œuvres lues initialement quand j’étais ado ou jeune ado et que je me suis dit que ce serait une bonne idée de séparer le tout afin de pouvoir faire un article plus thématique et de parler nostalgie et souvenirs d’enfance/d’adolescence.
Pour moi, ces souvenirs sont forcément, d’une façon ou d’une autre, liés à la lecture puisque j’avais tout le temps le nez dans mes livres quand j’étais petite (il y a quelques mois j’aurais dit « encore plus qu’aujourd’hui » mais ces derniers temps je ne suis pas sûre que ce soit encore vrai). Et comme j’ai un peu plus de place chez moi désormais, j’ai récupéré pas mal de livres qui étaient restés dans des cartons pendant longtemps, dont une bonne partie que je n’avais pas touchée depuis très, très longtemps. J’en ai profité pour commencer à les relire petit à petit, en commençant par un roman qui m’avait beaucoup marquée quand j’étais au tout début de l’adolescence et que j’espérais bien apprécier encore davantage maintenant que je suis adulte. Et… de ce côté-ci ce n’a pas été une franche réussite, c’est même un échec cuisant qui m’a fait me demander ce que j’ai bien pu lui trouver quand j’étais plus jeune, j’en parle juste après. Evidemment, tout est affaire de sensibilité et il se trouve que la mienne a évolué depuis la première lecture. D’un autre côté, j’ai aussi relu une saga en quatre tomes, que j’avais aussi découverte plus jeune, et sur laquelle mon avis est désormais bien plus positif.
Fabrice Colin, La Malédiction d'Old Haven
Si, avant ma relecture, on m’avait demandé de résumer le livre en question, j’aurais résumé un peu moins d’un tiers de l’histoire. Un tiers du DÉBUT de l’histoire. J’avais le souvenir d’une histoire de sorcière, de village, d’une forêt et de bûchers et je l’ai d’ailleurs relu en m’attendant à y retrouver une histoire de sorcellerie assez classique, le genre que j’avais envie de lire à ce moment-là. Sauf que dans ma tête, j’ai occulté la totalité des deux tiers restants du livre. Et pour une assez bonne raison : ça part trop loin à mon goût. A la relecture, je me suis aperçue que j’avais totalement laissé de côté tout ce qui ne me plaisait pas et oublié l’idée globale du roman. Je suppose que c’est tout à fait normal après autant de temps mais d’un autre côté… je me suis aperçue qu’il y avait deux bons tiers du livre qui m’agaçaient et qui ne m’intéressaient pas et que le propos principal était noyé dans un fourmillement d’idées partant dans un peu tous les sens avec un sentiment de rapport forcé entre toutes ces idées. Là, c’est surtout un point de vue d’autrice que j’exprime, mais je pense qu’il y aurait eu de quoi écrire plusieurs livres avec tout ce qui est contenu dans celui-ci, ce qui aurait pu permettre de développer bien davantage chacune d’elles. Ici, la fin de la lecture m’a donné l’impression que chacune de ces idées n’a été qu’effleurée (pourtant le livre est long, mais il aurait été possible d’écrire une trilogie et de gagner ainsi en profondeur et en fluidité).
Le second problème du roman vient de son héroïne, bien trop lisse et beaucoup trop parfaite. Elle n’a aucun défaut : elle est belle, gentille et bienveillante avec tout le monde, intelligente et cultivée, c’est une sorcière ultra puissante qui va dépasser après un bon entraînement absolument tout le monde… Certes, au début, elle a besoin d’hommes pour se protéger parce que c’est une faible femme (le roman a lieu en Amérique dans les années 1700) et elle continuera à en avoir un peu besoin, mais elle arrive quand même à tirer au pistolet sans entraînement. Elle ne commettra aucune erreur (mis à part se servir d’un homme en lui laissant croire qu’elle l’aimait, mais ce n’est pas sa faute, elle a juste oublié de se poser la question), ne connaîtra que des revers extrêmement temporaires et des mises en danger très relatives, et bien évidemment presque tous les hommes qu’elle croise tombent irrémédiablement amoureux d’elle. Les autres personnages ne sont pas vraiment plus creusés et malheureusement on tombe aussi dans beaucoup de clichés, notamment sur les minorités.
J’essaie d’être le plus bienveillante possible, mais j’ai du mal à me souvenir de ce qui m’avait marquée dans ce livre, excepté son tout début qui laissait présager quelque chose de vraiment fascinant, avec cette jeune femme fraîchement sortie du couvent qui se découvre sorcière dans un monde où l’inquisition est plus forte que jamais. Je crois aussi que j’avais idéalisé ce roman parce que c’est la toute première histoire de fantasy pseudo-historique avec des sorcières que j’aie lu et que j’ai donc oublié tout ce qui était mauvais. J’étais sans doute aussi beaucoup moins critique étant jeune, comme quoi les sensibilités évoluent avec le temps.
Hervé Gagnon, Damné (tomes 1 à 4)
Une bien moins mauvaise surprise a été la relecture de Damné (j’avertis tout de même : ce livre n’est pas à placer entre les mains des plus sensibles. Je l’ai lu assez jeune, bien que plutôt vers la fin de mon adolescence, mais il s’agit clairement d’une lecture adulte avec beaucoup de violence physique et psychologique).
Ici, on est de nouveau dans une fantasy historique (plus historique que fantasy, d’ailleurs, puisqu’il n’y a en réalité qu’un seul élément « magique ») qui se situe au moment de la croisade contre les Cathares dans le Sud de la France. On y suit l’histoire de Gondemar de Rossal, un jeune seigneur qui, après avoir accompli des actes particulièrement odieux (genre, vraiment…) se retrouve damné, condamné à errer sur Terre sans pouvoir se reposer dans la mort jusqu’à ce qu’il ait réussi à trouver et protéger la « Vérité », ce qui lui offrira un mince espoir de se racheter et d’avoir accès à autre chose qu’à l’enfer qui lui est promis.
On est donc sur une histoire où la religion a une grande place, mais qui ne se ressent pas comme une apologie d’une croyance (heureusement, sans quoi je ne l’aurais pas lu). C’est le récit d’une damnation et d’une tentative de rédemption, c’est aussi et surtout une fresque historique extrêmement pointue et documentée sur un passage méconnu de l’histoire, avec une intrigue inventée de toute pièce, une énigme et une société secrète qui peut rappeler de très loin Da Vinci Code (en plus rigoureux mais en moins… énigmatique ?)
Damné est une saga exigeante : pointue au niveau historique, avec des tomes très longs, parfois ardus – avec un style assez sérieux, peu de recherche stylistique, mais néanmoins il faut rester accroché – et, comme je l’ai dit, très violent, très cru et explicite sur ces violences. Mais elle récompense le lecteur pour ses efforts avec une histoire prenante, des énigmes et questionnements haletants, des rebondissements et des personnages forts et très nuancés. Pour cette saga-ci, je ne regrette absolument pas de l’avoir relue et de la redécouvrir avec davantage de connaissances et un regard plus adulte qu’à l’époque.
Comme quoi, tout est vraiment affaire de sensibilité.