L’écriture, ça prend du temps. Il y a de nombreuses étapes entre la toute première idée et la version finalisée du manuscrit et, entre ces étapes, il peut se passer plusieurs mois, parfois plusieurs années. Ça se compte en centaines d’heures, dans tous les cas.

Commencer et finir un roman en quelques semaines ? Ce n’est pas possible. D’ailleurs, le résultat ne pourrait être que très mauvais, n’est-ce pas ? Et puis, y passer autant de temps, c’est risquer le burn-out créatif, c’est vraiment une très mauvaise idée. Hein ? N’est-ce pas ? HUM. Alors. Laissez-moi reprendre un peu tout ça en évacuant le jugement qui habite ces mots.

Comment on compte le temps de l'écriture ?

C’est bien beau de dire qu’écrire un roman ça prend des mois, voire des années, mais il y a quand même une différence fondamentale entre Ginette, qui n’a le temps d’écrire qu’une demi-heure par semaine, et Marie-Gwendoline, qui écrit 8 heures par jour. Si on compte en heures, elles peuvent avoir mis exactement le même temps dans leur roman, mais la seconde l’aura écrit en un mois là où la première y aura passé dix ans (j’ai pas fait les calculs, c’est pour l’exemple). Est-ce que le premier sera plus qualitatif que le second ? Vu tous les facteurs qui entrent en compte, impossible de répondre à la question. Mais il n’y a aucune raison que ce soit le cas. La durée n’est pas raccourcie, seulement étalée sur une durée différente, parce que la vie de Ginette et celle de Marie-Gwendoline sont différentes. Donc, compter en semaines ou en mois, ce n’est pas judicieux. Même s’il est assez rare qu’on compte toutes les heures passées à écrire, et plus rare encore de compter celles passées à y réfléchir (surtout en tâche de fond). Comparer deux durées d’écriture, ce n’est donc pas judicieux et ça ne sert à rien.

Qu’est-ce qu’on peut comparer, alors ? Peut-être le nombre de mots écrits par heure ? Si tu passe une heure à écrire cinquante mots, ça veut forcément dire que tu les as plus réfléchis que la personne qui écrit 2000 mots à l’heure (oui, ça, c’est à peu près ma moyenne). D’ailleurs, dans le 2e cas, il doit y avoir des fautes d’orthographe à s’arracher les yeux, non ? Eeeet là encore, je crois qu’il faut juste arrêter de vouloir comparer. Et se mettre dans la tête qu’on n’a pas tous la même façon d’appréhender l’écriture, on ne définit même pas tous le premier jet de la même façon. Pour moi, le premier jet doit produire de la matière, une quantité énorme de matière que je pourrais passer du temps à refaçonner ensuite. Pour d’autres, si leur phrase n’est pas parfaite, ils peuvent y passer des heures, et pourtant ce sera toujours, pour eux, un premier jet. On n’est pas non plus tous égaux face à l’orthographe, ni face à la façon d’agencer ses idées et de les exprimer au mieux, ça dépend forcément du parcours qu’on a. Niveau orthographe, les 2000 mots que j’écris à l’heure seront presque exempts de fautes parce que j’ai prétendument été biberonnée aux dictionnaires (comprenez par là que c’est naturel chez moi et que les fautes que je fais sont rares, mais rassurez vous, j’ai bien d’autres défauts. S’il ne vous en faut qu’un : j’ai beau me former, je suis toujours incapable d’écrire un synopsis qui résume correctement mes idées) 

Donc ça non plus on ne peut pas le comparer. Raah, c’est à s’arracher les cheveux, à croire qu’on ne peut pas comparer deux écrivains entre eux, on fait comment pour décider lequel n’a pas la bonne méthode d’écriture ? 

Je vais aller plus loin encore.

On ne peut pas non plus comparer entre eux deux textes du même écrivain

OK, certains appliquent toujours la même méthode à leurs textes et donc, leurs processus seront relativement similaires d’un texte à un autre (j’avais déjà mentionné par ici que ce n’était absolument pas le cas pour moi). Par contre, les idées n’arrivent pas à la même vitesse, ne s’agencent jamais aussi facilement pour un projet que pour l’autre, certains aléas de la vie font qu’on n’a pas forcément la même durée à accorder à chaque projet (parfois on a des deadlines, aussi) et donc, d’un texte à un autre de notre Marie-Gwendoline, il peut y avoir des variations énormes en termes de temps passé sur un projet. Sans compter que certains romans qu’on écrit sont plus longs que d’autres. 

J’avoue, si j’écris cet article, c’est parce que j’ai écrit récemment une novella (40 000 mots) extrêmement rapidement. A peu près une semaine de planification, deux semaines d’écriture et deux de réécriture. Mais qu’à la fierté d’avoir battu tous mes records s’est ajoutée une culpabilité dérangeante, celle de ne pas avoir respecté les délais « habituels » d’écriture. Comme si le fait d’avoir écrit tout ça super vite la faisait perdre en qualité. Alors que… ben pas du tout. La preuve, c’est qu’elle va être publiée. C’est l’écrit dont je suis la plus fière actuellement, j’ai eu un coup de coeur pour mon propre texte et ma protagoniste, je les aime à un point inimaginable et j’ai l’impression d’avoir eu une révélation avec eux. C’est d’ailleurs pour ça, en plus d’une deadline à respecter, que je les ai écrits si vite. Parce que je me suis laissée embarquer par le plaisir d’écrire au point d’avoir envie d’y passer toutes mes journées pendant toute la durée de l’écriture (c’est donc ce que j’ai fait) et que je me suis amusée comme jamais. Mais je n’ai pas mis très longtemps, donc il y a ce sentiment de culpabilité qui cherche à refaire surface. 

Surtout qu’il y a autre chose qui rentre en compte : le fameux burn-out créatif. Que je n’ai pas eu. Mais à l’idée de parler de cette expérience incroyable d’écriture d’une novella aussi rapidement, j’ai peur de donner un mauvais exemple à des auteurs débutants qui ne connaîtraient pas leurs limites. Je connais les miennes et je ne les ai même pas approchées pendant cette phase d’écriture, mais je n’ai pas envie de laisser penser qu’écrire vite est une solution pour tout le monde, tout le temps, pour tous les textes. Ce serait contreproductif. Donc je ne m’érige pas en exemple, mais je réfléchis à tout cela et ma conclusion, c’est qu’il faut arrêter de comparer. 

Le bon rythme, c'est le votre

Vous m’avez vue venir à des kilomètres avec cette conclusion. J’essaie de me débarrasser de l’auto-jugement induit par les injonctions qu’on a tendance à voir fleurir un peu partout et je vous invite à essayer de faire de même. Je vais prendre une métaphore d’amoureuse de la randonnée : le chemin parcouru, la façon dont vous avez décidé de le parcourir et le temps que vous avez mis à arriver au bout, c’est vous qu’il concerne. Personne d’autre n’a parcouru ce chemin de la même manière que vous et il n’appartient qu’à vous de décider si vous êtes satisfaits de l’expérience que vous y avez forgé ou du temps que vous avez mis. Ce qui est accessible ensuite au lecteur, c’est le résultat, la photo finale au bout du chemin. Et c’est sur ce seul critère qu’il pourra juger de sa qualité ou de si la photo lui plait, pas sur le temps que vous avez mis à marcher. Si vous arrivez à courir sur ce chemin sans vous essouffler au passage, tant mieux, tant que vous ne vous faites pas de claquage. Si vous voulez vous arrêter pour regarder les fleurs, c’est votre droit. Mais ne vous laissez pas juger, ni par vous-même, ni par qui que ce soit d’autre, parce que vous avez pique-niqué en chemin ni parce que vous avez couru. Ce serait risquer de vous gâcher votre expérience de ce chemin…

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