Ce mois-ci a été assez léger par rapport à d’habitude en termes de lectures, du moins comparé au reste de cette année puisque je reste dans la moyenne de ce que je lisais l’année dernière. La faute peut-être à ma dernière lecture du mois, qui a été une relecture et un sacré pavé, mais aussi à un léger essoufflement côté lecture audio puisque j’ai mis énormément de temps à terminer ma lecture en cours, en tout cas pas spécialement à une diminution du temps de lectures physiques, ce qui est déjà une bonne nouvelle.

Tracy Chevalier, La jeune fille à la perle

Tracy Chevalier, La jeune fille à la perle, aux éditions folio

J’ai commencé ce mois avec une lecture qui sort très fortement de mes genres de prédilections, mais que voulez-vous, il y a des classiques qui traînent dans ma bibliothèque, et je ne les ai pas encore tous lus (d’où le fait que j’en lis au moins un ou deux par mois en ce moment) ; ce que j’aimerais bien terminer de faire avant la fin de l’année histoire de savoir ceux qui valent le coup d’être gardés et ceux qui mériteraient de trouver une autre maison.

Pour La jeune fille à la perle, je réserve mon jugement. En matière d’ouvrage transcendant les frontières entre les arts pour nous offrir un tableau extrêmement coloré et lumineux et une ode à la peinture (et notamment à la peinture néerlandaise) avec tout un travail méticuleux de restitution de l’art visuel via l’écrit, de compréhension du travail des nuances, de la pose des modèles, de la préparation des couleurs… et au-delà de cela de la vie à l’époque, c’est une oeuvre qui mérite sa place dans ma bibliothèque et dont je considère qu’elle peut vraiment apporter à tout auteur un point de vue précieux sur la façon de travailler le visuel dans l’écrit, ainsi que tous les petits détails du quotidien.

Mais parallèlement, l’intrigue et les personnages ne m’ont pas convaincue, tout ce qui a trait au semblant de romance est survolé comme s’il s’agissait d’évidences, les personnages principaux sont fades (alors que, paradoxalement, les personnages secondaires semblaient bien plus hauts en couleur, ce qui justifie leur impact sur l’intrigue) et Griet, la protagoniste, est passive, subit tout. A ce niveau-là, évidemment, il est difficile de juger un roman qui se veut avoir un fond historique et qui traite de la vie d’une servante au XVIIe siècle et je suis sans doute biaisée par les romans que j’ai le plus l’habitude de lire, mais l’impression reste malgré tout d’une histoire qui serait sans saveur, s’il n’était le travail sur le visuel. Donc pour le moment il reste sur mon étagère, mais il n’est pas dit qu’il ne finisse pas par disparaître.

Marine Stengel, Systra, tome 2 : seconde épreuve

Marine Stengel, Systra, tome 2 Seconde épreuve, aux éditions Plume blanche

J’avais commencé Systra en mars avec le tome 1, et j’ai donc terminé avec le tome 2 ce mois-ci afin de boucler la boucle. Pour rappel, même si j’avais trouvé beaucoup de qualités au tome 1, je n’avais pas été particulièrement convaincue par le système dystopique mis en place en Europe dans ce roman et par ses raisons. Ce tome-ci commence aux Etats-Unis, avec un système politique bien différent mais tout aussi dystopique et un deuxième duo de frère et sœur, puisque dans le monde de Systra les dystopies se sont étendues à l’ensemble de la planète suivant le prétexte de la surpopulation. Commençons par le positif : le système qui a cours dans cette partie du monde me paraît d’une certaine façon plus crédible, bien que très extrême et un peu sensationnaliste (il existe un système de points pour encourager les citoyens à « bien » se comporter (crédible), ceux qui obtiennent trop de points sont purgés (sensationnaliste)), en tout cas la suspension de l’incrédulité fonctionne bien mieux que dans le tome 1 à ce niveau. 

Il va être difficile de parler de l’ensemble du roman sans spoiler, je vais quand même m’y atteler en prenant toutes les précautions nécessaires. Disons donc qu’il y a une rupture très nette entre la première partie du roman et la seconde et que le passage entre les deux parties m’a semblé un peu trop facile, cousu de fil blanc. L’ayant lu en audio, je ne connais pas exactement l’équilibre entre les deux parties mais à vue de nez je dirais qu’on est sur du 25/75 à peu près et j’ai ressenti assez fortement ce déséquilibre, avec une part prépondérante donnée à l’action. Et si le tome 1 se concentrait sur une survie individuelle qui était selon moi une de ses plus grandes qualités, on perd un peu cela dans le tome 2 avec un passage à l’action coordonné et organisé (je pense pouvoir dire cela sans trop spoiler ce qu’il se passe), sur lequel je suis restée un peu plus impassible, voire sceptique. Enfin, j’attendais beaucoup de réponses de ce tome 2, puisque le tome 1 laissait énormément de zones d’ombre dans cet univers, et de ce côté-là, une bonne partie des questions trouvent en effet leurs réponses, une autre, essentielle à mes yeux, n’en trouve aucune (la question, que je peux dire sans rien spoiler, étant : « Pourquoi, à quoi ça les avance ? »). Il m’a manqué un peu d’explications et je ne suis donc pas tout à fait convaincue, mais je pense que je ne suis pas tout à fait le bon public pour les dystopies young-adult, que j’en attend une trop grande part de philosophie et donc, si vous aimez les page-turner et l’action, je vous recommande de vous faire votre propre avis sur Systra, qui a un rythme assez poussé, des personnages attachants et une jolie plume.

Lordesfeuilles, La deuxième quête

Lordesfeuilles, La deuxième quête aux éditions Lézard des mots

Le coup de coeur du mois ! Décidément, cette année est faste en termes de belles lectures (sans doute parce que j’ai arrêté de prendre toutes mes lectures à la bibliothèque de quartier pour me constituer une pile à lire constituée de mes propres choix et achats…)

La Deuxième Quête, c’est l’histoire d’un personnage secondaire qui devient personnage principal de sa propre histoire et qui amène un peu de pragmatisme et de réalisme dans un monde de fantasy parcouru par beaucoup de héros. C’est doux et rafraichissant, ça n’hésite pas à affronter la violence et la cruauté du monde, mais avec un vrai recul et en se posant des questions. La protagoniste de ce roman, Ema, est très loin d’être une guerrière, tout comme son compagnon d’aventures, ils se retrouvent donc en situation d’impuissance face à beaucoup de problèmes rencontrés et les résolvent à la façon de personnes bien plus normales que les vrais héros qui parcourent leur monde, en rusant, en discutant, en cherchant des appuis et en profitant des concours de circonstances lorsqu’ils tournent à leur avantage. Puisque de toute façon même lorsqu’ils tentent la violence, ça ne marche pas, comme ils ne sont pas entraînés à faire face de cette façon. Et ça fonctionne super bien ! C’est drôle et plein de bon sens, bien écrit et bien amené et d’ailleurs le deuxième tome va bientôt sortir, c’est donc l’occasion de le découvrir. 

En bref, je recommande à 100% cette cosy-fantasy française publiée par une petite maison d’édition qui fait un travail formidable et inclusif, le tout mérite vraiment d’être connu et reconnu et je vais me jeter sur le tome 2 😀 (oui, non, je n’ai vraiment rien de négatif à dire, je ne vois pas forcément l’intérêt de parler des notes que j’ai mises aux romans parce que c’est très subjectif mais celui là était un 5/5).

Jacqueline Carey, Kushiel tome 1 : La marque

Jacqueline Carey, Kushiel, tome 1 La marque, aux éditions Bragelonne

Et voilà la relecture du mois qui se trouve également être le pavé du mois (pavé au point que le broché, que je possède quand même depuis sans doute dix ou quinze ans, a fini par me claquer entre les doigts avec les feuillets qui se détachaient peu à peu, alors même que je venais d’acheter le tome deux (en relié, cette fois-ci, j’espère qu’il tiendra mieux)). 

Alors petit panneau d’avertissement préalable, Kushiel n’est selon moi pas à mettre entre toutes les mains. Sa protagoniste est marquée par un dieu qui lui fait éprouver du plaisir dans la douleur, il est donc assez facile d’en déduire que ce roman contient du sexe et de la souffrance (qui peut être assez graphique). Si jamais, renseignez-vous sur les TW du roman en gardant en tête que certaines scènes peuvent choquer.

Ceci étant dit… vous m’avez déjà entendue râler sur des romantasy. Vous m’avez entendue râler sur des scènes de sexe trop présentes et qui ne servaient pas l’intrigue. Vous m’avez sans doute entendue râler sur des héroïnes niaises et limitées à leurs attraits physiques (je ne sais plus si je l’ai fait quelque part par ici, mais je le fais souvent donc bon.). Vous m’avez entendue râler sur des relations toxiques romantisées. Et la raison pour laquelle je râle sur les autres, c’est parce que j’ai lu Kushiel avant que tout ça n’arrive à la mode et que dans Kushiel il n’y a AUCUNE matière à râler.

Le consentement est respecté (et quand il ne l’est pas, c’est dénoncé), le sexe sert l’histoire et est très loin d’être prétexte à une vulgarité malvenue (d’ailleurs, il n’est jamais vulgaire), l’héroïne est belle, certes, mais pas sans raisons et sa beauté sert également l’histoire (elle sert d’arme, voilà voilà), il n’y a rien de bête ou de niais, l’univers est incroyablement vivant et développé, les intrigues politiques au centre du récit sont cohérentes et expliquées, il y a de l’amour mais des relations saines et respectueuses, qui prennent en compte les différences des autres et dans lesquelles il n’y a aucune toxicité, le rythme est lent, certes, mais vous savez que j’aime ça, et donc ma conclusion est OH SURPRISE, CE N’EST DONC PAS SI COMPLIQUÉ ! 

Je voulais surtout relire Kushiel pour vérifier si l’idée que j’en avais gardée n’était pas biaisée par de vieux réflexes d’ancienne ado naïve et matrixée par une culture du vi0l omniprésente, et je suis teellement contente de découvrir que pas du tout. Et donc je suis très contente de me dire que je vais pouvoir maintenant lire le tome 2 sans crainte d’avoir intégré des principes toxiques sans m’en apercevoir.

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