Ce mois-ci, j’ai décidé de regarder Ready Player One, film de 2018 réalisé par Stephen Spielberg qui a reçu énormément de critiques très positives et ça a été… Compliqué. J’ai ressenti pour ce film à peu près la même chose que ce que je ressens pour la majorité des films de Spielberg (et je sais que mon avis est minoritaire), à savoir un « mouais, c’pas mal » manquant d’enthousiasme, combiné à une certaine difficulté à trouver des éléments objectifs pour appuyer ma tiédeur. Pour moi, ces films (mis à part un ou deux, peut-être, que je n’ai pas vus) sont simplement de parfaits représentants de l’industrie d’Hollywood, et je n’y ressens aucune étincelle. Mais je vais quand même essayer de développer pour justifier ma non-accroche à ce film, même si je lui reconnais des qualités.
ahh le manichéisme
C’est si facile de suivre les intrigues à Hollywood qu’on peut presque envoyer son cerveau en vacances tant il n’y en a pas besoin. Les gentils sont très gentils et les méchants, très méchants – même s’il y a un méchant plus méchant que les autres méchants qui du coup, à côté de lui, paraissent quand même un peu gentils, mais pas trop quand même. Dans Ready Player One, les gentils aiment l’univers geek et sa communauté, sont prêts à tout pour la sauver et s’allient donc avec les autres gentils, parce que finalement on est tous une grande communauté. Le grand méchant, lui, n’aime pas l’univers geek et n’y connait rien, au point de se faire souffler les réponses quand il a besoin d’y faire référence. Il a des sbires à ses ordres pour faire le sale boulot et il veut mettre des pubs partout, pour se faire un max de moula, et pour ça, tuer des gens, c’est un passage obligé.
Et oui, bien sûr que je suis d’accord avec l’idée qu’un univers tel que celui qui nous est dépeint dans Ready Player One devrait appartenir à tout le monde, sans monétisation, mais je souffle quand même un peu de voir à quel point tout cela est cliché (et un peu hypocrite également, pas vraiment à cause de Spielberg, mais quand on voit que certaines références ont dues être retirées du film parce qu’ils n’ont pas obtenu les droits, les méchants qui veulent se faire du pognon ont quand même de beaux jours devant eux).
Côté personnages, on retrouve ma trope préférée (non), l’élu (même s’il n’est pas présenté ainsi, il l’est néanmoins) et ses clichés : orphelin et élevé par sa tante – et ses amoureux temporaires qui sont méchants avec lui – gentil jusqu’au bout des orteils, dont le caractère consiste essentiellement à être un dictionnaire de références sur pattes et à tomber amoureux, puisque oui, on a l’inévitable love interest, très badass mais qui sera quand même moins badass que le héros ; ainsi que toute leur clique de copains si intéressants que, même pendant que je regardais le film, je ne me souvenais pas de leurs noms. On a des coïncidences qui décidément tombent super bien : alors que dans l’Oasis n’importe qui peut se connecter depuis n’importe quel endroit du monde et prendre n’importe quel avatar (ils font même des blagues dessus), par une chance extraordinaire, il se trouve qu’ils habitent tous dans la même ville et heureusement, le love interest du héros (Parzifal, j’ai oublié son nom dans la vraie vie) est une vraie fille, de son âge, dont l’unique « tare » est d’avoir une tâche de vin sur le visage, ce qui bien sûr est une vraie honte pour elle alors qu’elle est plus jolie que 95% des filles qu’on connait dans la vraie vie. Ben ouais, il manquerait plus qu’il soit tombé amoureux d’un homme de quarante ans qui vit encore chez sa mère et joue depuis sa cave. Trop bien ces coups de bol. Hollywood, quoi.
Un dictionnaire de références
J’espère que vous aimez les références… pardon : j’espère que vous aimez qu’on vous balance trois mille références à la suite, voire en même temps, et que vous êtes prêts à toutes les comprendre, parce que Ready Player One en est caffi, comme on dit par chez moi. Il y en a partout, tout le temps, ad nauseam et elles sont d’ailleurs à la base de l’intrigue. Il y en a tellement que vous en aurez sans doute au moins quelques unes, mais pour les avoir toutes, même pour un geek pur et dur, il faudra s’accrocher. Je suis même allée regarder la liste des références sur Wikipédia et j’ai l’honneur de vous dire que j’ai dû en avoir une vingtaine en tout ? Certaines (beaucoup ?) sont d’ailleurs très datées (entendez par là qu’elles sont trop vieilles pour moi). Alors oui, c’est sympa de voir toutes ces références d’époques différentes se côtoyer, avec de vrais hommages pour certaines tandis que d’autres sont plus des anecdotes d’arrière-plan, c’est du très grand spectacle, mais ça n’a pas réussi à vraiment me convaincre.
Et puis j’imagine la réunion sur le worldbuilding de Ready Player One : « On fait quoi pour l’univers ? » « Oh, ben vous prenez tout ce qui est sorti ces cinquante dernières années. Et vous mettez tout. Enfin, tout ce pour quoi on a les droits. » « Et côté création originale ? » « Origi-quoi ? » (je plaisante mais vu la quantité de références, même s’il y a des idées originales dans l’Oasis, je ne les aurai pas vues puisque j’aurais été certaine qu’il s’agissait d’une référence que je n’aurais pas comprise).
De l'émotion ? Non. Des explosions.
C’est peut-être là le plus gros problème que j’ai avec Ready Player One. Je n’ai rien ressenti. Déjà parce que tout ce qui se passe dans l’Oasis n’affecte pas le monde réel, et parce que, même dans le monde réel, à force d’aller à cent à l’heure, et bien, on ressent autant d’émotions que face à une étagère. Des gens meurent ? Ah c’est tri- pas le temps, scène suivante. Le héros tombe amoureux ? Ah oui mais pas le temps, donc on ne montre pas la phase de découverte et d’apprentissage l’un de l’autre, et d’ailleurs on ne montre pas non plus ce que ressent le love interest, de toute façon ce n’est pas un personnage mais une fonction alors on n’a qu’à dire que c’est bon, hop, fini, scène suivante. Les gentils sont sur le point de perd- ah ben non ils se sont déjà relevés et sont prêts à en découdre. Ils sont badass, de toute façon, les gens badass ne ressentent rien. Et là mon coco, tu me mets la grande scène d’émotion finale, elle est très importante, laisse la cinq, six secondes à l’écran.
Pour quelqu’un qui, comme moi, aime les univers et les histoires qui prennent leur temps, c’est limite une insulte. Alors oui, le film est déjà long, ce n’est pas un livre, on n’a que 2h20 et on a plein de références à faire rentrer, tu comprends, mais ben du coup, moi, j’ai effectivement trouvé ça très long (je l’ai visionné en cinq fois, c’est dire mon niveau d’implication).
Mais on croyait que t'avais quand même trouvé ça "ok tiers" ?
Oui, ça se regarde. C’est un peu rigolo, il y a un personnage que j’ai trouvé plutôt cool (un des méchants, le mercenaire. Ne me demandez pas son nom…) et l’idée de l’héritier spirituel est plutôt intéressante. Et puis j’ai déjà parlé du grand spectacle, du fait que c’était sympa de voir plein d’univers différents se côtoyer. C’est aussi intéressant pour l’idée du Métaverse (la vraie, pas la daube de chez Méta). La réalisation fait le taff, les effets spéciaux sont très bien foutus, et heureusement parce qu’il doit y en avoir un sacré paquet… Il y a d’assez bonnes idées, notamment le fait que si le joueur se prend des claques dans le monde réel, ça impacte aussi son avatar en jeu, ce qui tombe sous le sens, mais la réalisation à ce niveau-là est vraiment bien faite.
Mais franchement, j’ai dû écrire ma chronique rapidement après l’avoir vu, sous peine d’avoir totalement oublié ce que je venais de voir (déjà que je n’ai pas réussi à retenir les noms…) et au moment de la conclusion, j’en viens à me dire que c’était très clairement plutôt oubliable, et certainement pas ce que je recherche dans un film de science-fiction.