Encore une nouvelle écrite avec un mot tiré au hasard dans le dictionnaire. Comme j’avais décidé par avance qu’il s’agirait d’une nouvelle de fantasy, j’ai été un peu embêtée quand le mot que j’ai tiré s’est avéré être… internet. 

Le 10e jour du 10e mois de l’an 1110 à 10h 10 – soit en octobre, si vous suivez bien – naquit celle sans qui cette histoire n’aurait pas lieu d’être, parce qu’elle n’aurait pas d’héroïne. Une prophétie avait de longue date annoncé sa venue comme de celle qui changerait la face du monde. Comment ? C’était plus obscur. Les devineresses d’Elympos avaient beau être spécialisées dans les prophéties, elles étaient réputées pour leur quantité, pas pour leur clarté.

Elles parlaient de l’émergence d’une magie surpuissante, capable de relier n’importe quelle personne d’un bout à l’autre du monde en un clin d’œil, de répandre des nouvelles ou des mauvaises blagues en une fraction de seconde et ce, qu’on s’y connaisse ou non en magie. Même si cette idée absurde faisait bien rire les magiciens, certains d’entre eux, qui savaient parfaitement que cette nouvelle magie risqueraient de les priver d’une bonne partie de leur travail, décidèrent tout de même de surveiller ladite héroïne née un 10 octobre, que ses parents, pour une raison obscure connue d’eux seuls, avaient appelée Decima.

Ils décidèrent bientôt que ce n’était pas la peine de se donner tout ce mal. La gamine était d’une normalité absolue, à tel point que ç’en était presque décevant. Pendant les dix premières années de sa vie, elle ne se décida pas à montrer le moindre petit signe de magie, pas la moindre capacité singulière, et son talent le plus particulier consistait à être capable de plier sa langue en forme d’étoile. Preuve supplémentaire de sa médiocrité, elle en était particulièrement fière.

Evidemment, les parents de Decima râlèrent un peu lorsque les mages se désintéressèrent d’elle – c’est une source de revenus fiable, que d’être les parents de l’élue d’une prophétie, bien que pas aussi lucratif qu’on le pensait, étant donné la quantité de prophéties d’Elympos, et donc d’élus différents. Ils finirent néanmoins par s’habituer à l’idée que les devineresses avaient dû se tromper, ce n’était pas la première fois, et la petite Decima suivit un cursus normal, alla à l’école, au lycée et même à l’université, en psychologie – parcours par défaut de ceux qui ne savaient pas quoi faire de leur vie.

La donne changea cependant à ce moment-là, lorsqu’elle commença enfin à se questionner sur ses possibilités d’avenir professionnel. Comme elle n’avait pas l’ombre d’un talent pour la magie, il était hors de question de songer à accomplir la prophétie ; elle n’avait pas non plus l’âme d’une guerrière – la rencontre avec les fantômes de la tour Est avait montré sans aucun doute possible qu’elle n’était pas particulièrement téméraire – et n’était ni très manuelle, ni très portée sur les arts. En l’absence totale de qualité particulière, la seule chose que l’on conseillait, à l’époque, était de rencontrer le dragon Seyédorientassion, qui, de fil en aiguille, avait fini par avoir pour principale clientèle les élus ratés de prophéties fausses.

Decima apprit cependant, à son grand dam, qu’il avait déménagé récemment dans le coin le plus reculé du royaume, à plus de deux semaines à pied – trop dangereux et pas assez rentable pour que les chariots de transport aillent jusque-là. Comme nous l’avons déjà mentionné, la fille née le dixième jour etc. n’avait pas l’esprit particulièrement aventureux et n’avait pas plus envie que cela d’aller seule dans cette région perdue. En revanche, il faut lui rendre cette justice : elle avait de la suite dans les idées. Pour éviter le désagrément de ce voyage, elle fit jouer ses connaissances au sein de l’université et parvint, grâce à de nombreux mages ravis de lui prêter main-forte, à créer un réseau de points-relais sur toute la surface du globe, qui permettaient de transmettre des signaux à la vitesse de la lumière. Elle élabora ensuite, à l’aide d’autres amis scientifiques, à créer une technologie qui permettait d’utiliser ces points relais sans passer par l’aide de magiciens. Il suffisait d’acheter un petit objet rectangulaire – qu’elle commercialisa partout à l’aide de ses amis marchands – pour pouvoir communiquer n’importe où et avec n’importe qui.

Lorsque son travail fut enfin terminé, plusieurs années s’étaient écoulées. Elle était devenue milliardaire grâce à son invention et avait mis un certain nombre de mages sur la paille. Ce n’est que lorsqu’elle se décida à contacter le dragon Seyédorientassion, puisque c’était son but dans tout ça, qu’elle se rendit compte qu’elle n’avait plus besoin de ses services et qu’elle avait fini par accomplir la prophétie.

Mais, nous l’avons dit, Decima avait de la suite dans les idées, et elle ne supportait pas l’idée de ne pas aller au bout de sa démarche. Elle se décida donc à envoyer un message au dragon, même si ce n’était pas pour lui demander conseil, juste histoire de mener sa tâche à bien. Butant sur le contenu, elle se décida finalement pour une vidéo de chats mignons.

 

Après tout, c’était le plus grand intérêt de cette invention.